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terre submergée parfois par l’Océan et une île éloignée de cette terre à une distance d’un jour de navigation. La mer y jette, au printemps, une quantité d’ambre que les habitans vendent à leurs voisins les Teutons.

Quelles sont ces contrées dont parle le voyageur ? C’est une question que les savans du Nord ont déjà beaucoup discutée sans pouvoir définitivement la résoudre. Il est probable cependant que cette Thulé mentionnée par Pythéas est la Norvége, et la contrée habitée par les Gutons doit être une des côtes de la mer Baltique.

Les écrivains romains ne donnent que très peu de renseignemens sur le Nord. Rome, qui subjugua tant de peuples, ne put subjuguer la partie septentrionale de l’Allemagne, et l’armée qui avait franchi le Rubicon ne traversa pas l’Elbe. Pendant leurs longues guerres avec les tribus germaniques, les Romains apprirent pourtant à connaître non-seulement ces peuples intrépides et barbares, dont Tacite a décrit les mœurs, mais ils recueillirent encore quelques notions sur les contrées situées au-delà de l’Elbe et sur leurs habitans. Soixante et dix ans après la naissance de Jésus-Christ, Pline l’ancien nomme l’île de Scandinavie. Dans le siècle suivant, Ptolémée le géographe, qui avait à sa disposition les trésors de la bibliothèque d’Alexandrie, parle de la Scandia. À cette époque, les Romains se représentaient la Norvége, la Suède et une partie du Danemark, comme une grande île. Ptolémée dit qu’il y a là six races de peuples. Le nom des quatre premiers n’a pas encore été expliqué, mais les deux autres, les Gutes et les Damiones, sont vraisemblablement les Goths et les Danois. Jornandès, au vie siècle, donna, dans ses Rebus gothicis, plusieurs notions intéressantes sur l’histoire ancienne du Nord. Au xie siècle, Adam de Brême, dans son histoire de l’église[1], écrivit sur le Danemark quelques pages qui méritent d’être étudiées, et, en remontant deux siècles plus haut, on trouve encore des documens assez intéressans dans la vie de saint Ansgar, missionnaire, racontée par Remberth, archevêque de Hambourg.

Mais le premier qui entreprit d’écrire l’histoire de Danemark est Saxo Grammaticus, secrétaire de l’évêque Absalon. Il connaissait, par la tradition, les chants des scaldes, les sagas islandaises. Il comprit très bien la nécessité de donner à son livre le caractère d’ordre et d’unité qui manquait aux sagas. Il essaya de remonter jusqu’au premier souverain de Danemark, et d’indiquer, l’un après l’autre, tous ses successeurs. Mais il était d’une nature trop poétique pour ne pas se laisser aller aux charmantes fictions répandues, à cette époque, dans le Nord. Il adopta sans difficulté toutes les fables merveilleuses qui lui furent contées, et il y mêla les chants des scaldes qu’il avait appris. Les onze premiers livres de son histoire ne sont que des sagas disposées avec art, écrites avec talent, mais dénuées de critique. À partir du règne de Gorm, c’est-à-dire du ixe siècle, il écrit d’après des renseignemens plus positifs, et les sept derniers livres de son ouvrage peuvent être

  1. Historia ecclesia septentrionis.