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DES ÉTUDES HISTORIQUES DANS LE NORD.

judicieuse des sagas, et Schlegel, qui a publié l’ancien recueil des lois islandaises. Aujourd’hui, son président est M. Werlauff, qui a écrit d’excellentes dissertations sur plusieurs points scientifiques très importans et très peu connus ; son vice-président est M. Finn Magnussen, l’auteur du dictionnaire mythologique qui accompagne l’Edda[1], et d’un système général de mythologie du Nord, qui est une œuvre d’une grande érudition. Son secrétaire est M. Rafn, à qui l’on doit la plupart de ces belles et correctes éditions de sagas, qui sont devenues populaires dans le Nord, et que l’on trouve chez tous les pasteurs islandais.

On a fondé aussi à Copenhague un musée d’antiquités nationales. C’est le plus riche et le plus complet qui existe dans le Nord. Il y a, pour celui qui s’intéresse à la vieille Scandinavie, un grand charme à s’en aller poursuivre ses études dans ce musée. C’est un tableau sorti des ruines du passé ; c’est un livre d’histoire qui, sur chacune de ses pages, porte encore la rouille du temps, l’empreinte des siècles. Tous les objets y sont classés par séries, divisés par époques, et chaque objet peut être regardé comme la manifestation d’un fait ou d’une idée. Le premier âge de ce cycle historique, dont on peut suivre tous les développemens, c’est l’âge de pierre. Les premiers habitans du Nord ne connaissaient pas l’usage des métaux. La pierre devait pourvoir à leurs besoins. Ils choisissaient un silex dur, tranchant, et ils en fabriquaient des haches, des scies, des marteaux, des pointes de flèches et des glaives pour les sacrifices. On a retrouvé tous les objets qu’ils façonnaient, depuis l’œuvre à peine ébauchée jusqu’à l’œuvre complètement finie. On a retrouvé les morceaux de silex qu’ils coupaient par lames régulières pour se faire des pointes de flèches, et ceux qui leur servaient à tailler les dents de la scie, et ceux qu’ils employaient pour polir leurs instrumens. Quelques-uns de ces instrumens sont travaillés avec un art et une perfection qui feraient honneur aux ouvriers de nos jours, et quand on pense que ces hommes n’avaient, pour s’aider dans leurs travaux, que des ustensiles en pierre, on doit admirer l’instinct qui leur servait de maître, et la patience avec laquelle ils surmontaient les difficultés. Plus tard, les habitans du Nord connurent le bronze, et ils l’employèrent à fabriquer des armes et des bijoux. C’était pour eux une matière précieuse. Les parures de femmes de cette époque sont en bronze, les diadèmes en bronze ; la forme en est élégante, mais le métal y est employé avec une excessive parcimonie. Le jour où les vieilles tribus nomades découvrirent l’emploi du fer dut être pour elles un jour à jamais mémorable, et si leur histoire était écrite, le nom de l’homme qui fit cette découverte y apparaîtrait peut-être en caractères plus glorieux que celui de Newton ou de Guttenberg. Hélas ! combien d’expériences pénibles il a fallu pour faire l’instruction de l’homme ! Par combien de phases l’humanité a-t-elle passé avant d’en venir, de son état de barbarie primitive, à son état actuel de civilisation ! Il y a des siècles de distance entre l’époque

  1. Eddalœre, 4 vol. in-8o, Copenhague, 1826.