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L’OPPOSITION ET LE PARTI RADICAL.

en 1831, comme un ballon d’essai, des rangs du parti républicain. Pendant que l’école de M. Guizot allait chercher en Angleterre les exemples et les principes du système représentatif, l’imagination d’un grand écrivain, qui se trouvait à l’étroit dans la monarchie, avait passé les mers pour observer, dans l’histoire des États-Unis, comment s’établit et comment se conserve la liberté. M. Carrel ne proposait pas toutefois l’imitation pure et simple du régime américain ; il voulait, au contraire, dégager le principe de la présidence élective du système fédératif, qui est la forme dont les États-Unis l’ont revêtu. Tout comme il défendait la mémoire des girondins d’avoir jamais songé à rompre le lien de la nationalité française, ainsi, pour accommoder la république américaine à nos conditions de territoire et de civilisation, il prétendait substituer, dans l’expérience qu’il suggérait, l’unité de la nation à une fédération d’états.

Les formes de gouvernement varient comme les époques et comme le caractère des peuples. On ne les importe pas de l’étranger avec la même facilité qu’une machine ou qu’un procédé à l’usage de l’industrie. L’imitation, en pareil cas, n’est que la compression du génie national. Veut-on atténuer et modifier le type que l’on choisit ? cet éclectisme n’est bon qu’à l’énerver ou qu’à le défigurer. Malgré le secours d’un admirable talent et d’une énergique volonté, Carrel n’a jamais popularisé que sa personne. L’idée au service de laquelle il avait dévoué son existence n’a jamais été comprise ; elle est restée étrangère à toutes les secousses politiques, elle a fait peu de prosélytes, et elle a péri avec lui. Le journal qui la représentait appartient maintenant, dans le même parti, à un autre système d’opinions.

En dehors de cette pensée brillante, mais éphémère, le mouvement républicain n’a pas produit un seul aperçu nouveau : il procède encore directement de 91 et de 93 ; il a les instincts nationaux du parti montagnard, quelque chose de son activité, de son énergie et de son dévouement ; mais c’est aussi le même ordre d’idées. Les hommes sont jeunes, les principes sont anciens. En politique comme en économie sociale, nos radicaux ne connaissent que la dictature pour trancher les difficultés. C’est à un peuple homme fait qu’ils prétendent appliquer un expédient qui n’a jamais convenu qu’à l’enfance des sociétés.

On attribue à M. Royer-Collard un mot qui nous paraît d’un sens profond : « La république, aurait-il dit, a contre elle les républicains d’autrefois et les républicains d’aujourd’hui. » Ou nous nous trompons fort, ou les républicains d’aujourd’hui et les républicains