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REVUE. — CHRONIQUE.

sous les yeux d’un gouvernement et d’une population en émoi. La peur ne raisonne pas. On s’est aussitôt imaginé à Naples que c’était une démonstration hostile, une espèce de menace, et peut-être plus, pour intimider le cabinet napolitain et le forcer à plus de ménagemens envers la France, pour lui arracher des concessions auxquelles il se refuse dans l’affaire des bateaux à vapeur. En conséquence, le gouvernement a mis les troupes sur pied, armé les canons des châteaux, et pris toutes les mesures de défense qui étaient en son pouvoir. Mais ces formidables préparatifs, dont notre escadre aurait eu promptement raison, devaient être inutiles. Les vaisseaux français disparurent le lendemain et rapportèrent à Marseille, quelques jours après, l’histoire de la peur qu’ils avaient faite. Ce qui est plus sérieux, c’est l’effet produit à Naples, sur la population, par la vue du drapeau tricolore. Le gouvernement des Deux-Siciles fera bien d’en prendre note. Quelle que soit la modération de notre politique, la propagande constitutionnelle s’opère toute seule chez des peuples gouvernés sans intelligence, par un despotisme qui n’est pas même éclairé.

La prise de Constantine a fait oublier un instant la grande question du jour, celle des élections. Un si heureux évènement, préparé par le choix habile des hommes qui en ont l’honneur immédiat, et par l’impulsion vigoureuse que le ministère avait donnée aux préparatifs de l’expédition, ne peut manquer de produire sur l’esprit public un effet avantageux au gouvernement. Les craintes exagérées que l’opposition s’est hâtée d’accueillir et de propager, les commentaires injustes et malveillans sur les petits détails de l’exécution, ne sauraient nuire à la légitime influence de ce beau succès et lui ôtent des mains une arme dangereuse. Aussi ne la croyons-nous pas fort à craindre, malgré les efforts du comité central. Embarrassée de ses alliances, elle n’a pu s’entendre sur la rédaction d’un manifeste, et ce projet, successivement abandonné et repris, ne recevra point d’exécution. M. Mauguin avait, dit-on, consenti dernièrement à s’en charger ; mais quand il s’est mis à l’œuvre, il a trouvé la tâche trop épineuse, il a craint de ne contenter personne, pas même lui-même, de compromettre une coalition déjà très fragile, et de ruiner sa popularité, s’il cherchait à calmer les inquiétudes de l’opinion constitutionnelle. Il n’y aura donc pas de manifeste pour expliquer la moralité d’une alliance électorale entre M. Laffitte, qui déclare que le temps de la république n’est pas venu, et M. Garnier-Pagès qui croit tout le contraire. Les candidats du comité en seront réduits à justifier individuellement leurs intentions, comme l’a fait M. Laffitte, et il est fort douteux que leurs explications soient concluantes.

L’approche des élections paraît avoir déterminé un mouvement politique beaucoup plus vif que ne le craignaient les uns, que ne l’espéraient les autres, et que nous ne l’attendions nous-mêmes. Il est certain que les questions purement politiques ont occupé une très grande place dans les circulaires électorales et dans les réunions préparatoires qui ont déjà eu lieu ; et ce qui rend le fait plus remarquable, c’est que les candidats ouvertement