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LES CÉSARS.

de la revoir : ce sont les mémoires de tous les honnêtes gens de Rome.

À cette tendance s’unit évidemment celle qui cherchait à réformer l’éloquence et l’éducation ; ce sont presque les mêmes hommes, Pline, Tacite, Juvénal, Quintilien ; ils réagissent contre l’école de Sénèque, le précepteur et le faiseur de phrases de Néron, en même temps qu’il maudissait Néron lui-même. Tout ce système de phrases, d’antithèses, d’éloquence menteuse, tout cela leur paraît un mal sérieux ; ils comprennent la liaison intime entre la controverse de l’école et la plaidoirie du Forum ; ils ne veulent pas de ces écoles où se formaient des délateurs. — Lorsque Quintilien développe longuement cette thèse, que l’orateur doit être un honnête homme, ce n’est pas pour lui, comme ce serait pour nous, une vérité triviale : c’est un réel instinct qui parle ; c’est le souvenir de tout le mal qu’a fait une criminelle éloquence ; c’est tout ce qu’il peut dire, placé sous le règne des délateurs et Domitien vivant encore. Il y a chez eux un profond et évident désir d’épurer les pensées, de rectifier l’esprit, de fortifier la probité, de diriger l’ambition de toute cette jeunesse qu’ils voient grandir au-dessous d’eux, qui est romaine, c’est-à-dire apportant avec elle tous les vices qui ont fait les délateurs ; qui ne sait point le passé, et à laquelle ils l’apprennent pour le lui faire détester ; qui n’a pas de règle pour l’avenir, et à qui ces hommes honnêtes cherchent à en donner.

L’éducation actuelle est heureusement moins grecque et romaine qu’elle ne l’a été ; mais si toutes ces idées, qui tendent à voir dans la patrie, non une réunion d’hommes, mais une sorte de fantôme divinisé à qui tout doit s’offrir en holocauste, si les doctrines antiques d’immolation de l’homme à la société, de toute-puissance de la loi, de mépris pour la propriété, de haine pour l’étranger, d’honneur attaché au suicide, sans être générales, grâces à Dieu, sont cependant en circulation dans les esprits, l’éducation y est bien pour quelque chose, je dirais plutôt par son silence que par ses enseignemens ; elle montre l’antiquité, mais elle la montre à demi, elle en fait voir des fragmens qu’elle n’explique pas, et laisse s’enthousiasmer de jeunes têtes sur ce qu’au collége il est encore convenu d’appeler des vertus. Je ne voudrais pas retrancher l’étude de l’antiquité, mais en donner une juste, vraie et entière intelligence, — dire ce que j’en disais tout à l’heure, qu’elle ne nous vaut pas ; que telle qu’elle fut ou telle qu’on la fait, elle n’est guère plus digne d’imitation.

En tout, faire voir les choses dans leur vérité : la vérité n’est pas si crue, si désenchanteresse qu’on la fait ; la vérité en histoire ne détrône pas tous les grands hommes, voyez de près César ou