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vail du développement ; l’ordonnance générale avant les détails, la synthèse avant l’analyse, ce sont là des vérités banales. Il est regrettable que Fourier leur ait désobéi. Cependant, si sévères que nous voulions être vis-à-vis d’un esprit supérieur, nous ne pouvons disconvenir que cette profusion de gracieux tableaux, que ce cercle confus et passionné de créations naïves, joyeuses, inattendues ; que ce désordre charmant, cette incohérence de surface, qui sont une faute chez le savant, ne deviennent un titre réel pour l’homme d’imagination et pour le poète. Les couleurs de ces paysages sont si fraîches et d’un effet si neuf, il y a tant d’éclat et tant de verve dans ces Géorgiques idéales, qu’on s’abandonne, malgré soi, au flot descriptif, sans regretter l’appui moins fragile d’une démonstration sérieuse. C’est de l’idylle répandue à côté de la philosophie, du Théocrite près du Platon.

Un dernier reproche. Certes, il serait fâcheux que l’on fît de la science au musc et au jasmin, et de la logique à l’eau de rose ; mais il ne l’est pas moins, à notre sens, de donner un air rébarbatif et inculte aux vérités que l’on veut introduire. Un savant ne doit être ni un paysan du Danube, ni un élégant du grand monde ; il ne doit tremper sa plume ni dans le vinaigre, ni dans les essences. Le ton d’un savant qui démontre et qui veut attirer à lui, est un ton doux, grave, persuasif, ne concédant rien quant au fond, mais prêt à se ployer à tous les tempéramens de forme. Peut-être Fourier aurait-il dû en cela résister un peu à ses élans de franchise et de rudesse ; peut-être aurait-il fondé plus sûrement son autorité sur les intelligences, si à la supériorité de sa doctrine il eût joint ce que le saint-simonisme avait de plus que lui, l’onction dans le style et la parfaite convenance dans le langage.

Ces prémisses posées, nous allons, après avoir fait l’historique et la critique des travaux de l’inventeur, entrer dans l’analyse de ses découvertes. Cette analyse aurait demandé de longs volumes, si nous ne lui eussions appliqué une méthode de triage sévère et de rigoureuse sobriété. Notre intention n’a pas été, ne pouvait pas être d’initier nos lecteurs à tout le système de Fourier : ce serait impossible et inutile ; la route serait trop longue, et ils ne nous y suivraient pas. Qu’ils aient une idée nette de l’ensemble de la théorie et de ses principes génératifs, c’est tout ce que nous avons voulu. Pour leur rendre cette étude plus claire, nous avons évité, autant qu’il était en nous, d’entrer dans un vocabulaire dont il eût fallu, à chaque minute, leur donner la clé. La même vue de simplification nous a fait élaguer la