Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/473

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
469
SOCIALISTES MODERNES.

partie critique. Que notre univers ne soit point parfait, c’est ce qui est admis pour tout le monde, et ce qui a été prouvé mille fois depuis sept ans : toute preuve de ce genre a facilement le tort de dégénérer en déclamation, et nous avons mieux aimé y renoncer que courir ce risque. Enfin, en parcourant la partie organique de la doctrine sociétaire, on verra que nous l’avons dégagée des détails qui ont attiré sur l’inventeur des plaisanteries devenues banales. On a tant abusé de cette méthode de facile appréciation, qu’il y a aujourd’hui, ce nous semble, quelque bon goût à s’en abstenir.

COSMOGONIE ET PSYCHOGONIE.

On a fait de Charles Fourier un matérialiste, à cause de quelques mots hasardés sur la reproduction infinie de la matière. Nous croyons qu’il y a un malentendu en ceci, un malentendu résultant du système toujours vicieux des classemens et des parallèles. Si l’on voulait trouver un nom dans l’école philosophique qui répondît davantage à la loi sociétaire, Fourier serait un panthéiste à la façon des saints-simoniens, ou un sensualiste de l’école de Locke et de Condillac.

Charles Fourier n’a pas, il est vrai, abondé dans les idées métaphysiques à l’exclusion des idées matérielles ; mais c’est, comme il l’avoue lui-même, parce qu’il fallait réorganiser le corps avant de réorganiser l’esprit, les instincts devant, dans l’ordre nouveau, être satisfaits comme les passions, les besoins comme les sentimens. La lutte entre les deux principes, le bien et le mal, d’origine philosophique, n’avait, d’ailleurs, plus rien à faire dans un système qui prenait pour point de départ la légitimité, la nécessité de tous les élans de l’ame et de la chair.

Le sommet de la doctrine de Fourier, c’est Dieu ; mais en appelant Dieu esprit, il ne se déclare pas pourtant exclusivement spiritualiste. Il semble admettre, au contraire, que Dieu, l’homme et l’univers, comme êtres absolus et infinis, peuvent, par de certains côtés, s’absorber et se confondre. Ce serait à peu près la formule saint-simonienne : « Dieu est tout ce qui est, » et un transport du fini dans l’infini. Cependant, en d’autres passages, Fourier distingue le créateur de la créature, parle de Dieu comme d’un être existant de son fait, et du christianisme comme d’une croyance qui nous a ramenés à de saines notions religieuses. Dieu, d’après lui, doit être notre première étude ; c’est en cherchant en nous la révélation des instincts qu’il y a mis, leur application, leur utilité, leur sainteté, que nous devons trouver la clé des destinées futures de l’homme.