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Insistant peu, d’ailleurs, sur ces données métaphysiques, Fourier fait de la nature trois principes éternels et indestructibles : Dieu, la matière, la justice ou les mathématiques. Ici, entre Fourier et les autres philosophies plus de rapprochement possible ; il marche vers ses idées. Dans la toute-puissance de Dieu, il trouve la cause, et dans sa justice, la raison des destinées générales. Or, la volonté universelle se manifeste et se témoigne par l’attraction universelle ; attraction dans l’humanité, attraction dans l’animalité, attraction dans les corps inorganiques. C’est cette attraction qui, pivotant sur elle-même, incessamment produit, incessamment détruit, incessamment conserve. De là cinq mouvemens : mouvement matériel, attraction du monde, devinée par Newton ; mouvement organique, attraction emblématique dans les propriétés des substances ; mouvement instinctuel, attraction des passions et des instincts ; mouvement aromal, attraction des corps impondérables ; mouvement social, attraction de l’homme vers ses destinées futures. De l’attraction universelle est née l’analogie universelle, résultant, selon Fourier, d’une loi mathématique qu’il a accusée sans la justifier toutefois. Toutes les passions ont leur analogue dans la nature, depuis les atomes jusqu’aux astres. Ainsi, les propriétés de l’amitié seraient calquées sur celles du cercle, celles de l’amour sur celles de l’ellipse, etc. N’insistons pas : ceci est plus ingénieux que vrai ; il y a là un pressentiment, mais point une découverte.

La cosmogonie de Fourier a aussi ce caractère divinatoire et cette prétention à une seconde vue. Le monde, d’après lui, aura une durée de quatre-vingt mille ans ; quarante mille d’ascendance, quarante mille de descendance. Dans ce nombre sont enveloppés huit mille ans d’apogée. Le monde est à peine adulte ; il a sept mille ans ; il n’a connu jusqu’ici que l’existence irrégulière, chétive, irraisonnable de l’enfance ; il va passer dans sa période de jeunesse, puis dans la maturité, point culminant du bonheur, pour descendre ensuite vers la décrépitude. Ainsi le veut la loi d’analogie ; le monde, comme l’homme, comme l’animal, comme la plante, doit naître, grandir, se développer et périr : la seule différence est dans la durée. Quant à ce qui est de la création, Dieu fit seize espèces d’hommes, neuf sur l’ancien continent, sept en Amérique, mais toutes soumises à la loi d’unité et d’analogie universelles. Néanmoins, en créant le monde actuel, Dieu se réserva d’autres créations successives pour en changer la face ; ces créations iront à dix-huit. Toute création s’opère par la conjonction du fluide austral et du fluide boréal. Jusqu’ici, il n’y a eu qu’une création ; les autres attendent qu’on ait trouvé pour elles un autre