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ces, tout y sera disposé de manière à assurer des rapports prompts et faciles, des distractions variées, un service économique et intelligent. Chaque famille trouvera à se loger suivant sa fortune et suivant ses besoins, sans qu’il en résulte jamais pour elle une humiliation dans le contraste si elle est pauvre, un motif d’orgueil si elle est riche.

Maintenant, à ceux qui s’effraieraient de la mise de fonds nécessaire pour assurer tant d’aisance et réaliser tant de merveilles, Fourier répond qu’un phalanstère de dix-huit cents ames ne coûtera guère plus à construire que les quatre cents chaumières d’une commune française égale en population. Encore le phalanstère, une fois achevé grandement et solidement, sera, pendant plus d’un siècle, à l’abri des grosses réparations, tandis que, dans le même intervalle, on aura rebâti sept ou huit fois les masures de la commune française. Puis, la fondation achevée, il y a un autre compte à dresser, celui des économies du ménage sociétaire. Ainsi une immense cave remplacera quatre cents caves, un vaste grenier quatre cents greniers, une cuisine avec un personnel réduit, quatre cents cuisines avec les quatre cents femmes qu’elles absorbent sans les occuper, enfin une gigantesque blanchisserie quatre cents blanchisseries. Tous ces ateliers d’usage commun marcheront à l’aide d’une machine à vapeur qui fournira, en outre, de l’eau chaude dans tous les appartemens du phalanstère.

Cependant, au dehors de l’édifice, la campagne a changé d’aspect : les haies, les fossés, ces emblèmes de servitude et de défiance, ont disparu ; les chemins ont été combinés de manière à ménager l’espace. En échange de leurs terres, les propriétaires du sol ont reçu des actions transmissibles qui représentent la valeur de l’apport, et désormais cette vaste plaine pourra être exploitée comme si elle appartenait à un seul homme. Ainsi disparaissent, par le fait seul de l’association, tous les inconvéniens de la culture morcelée et de la propriété parcellaire. Une seule gestion, appuyée sur de grands capitaux, réalise l’emploi harmonieux de toutes les forces, et obtient la plus grande somme possible de produits. Il en est de même des ateliers industriels : au lieu de ces échoppes multipliées à l’infini, tristes, solitaires, sales et incommodes, voici des ateliers immenses et vivans, joyeux, aérés, salubres, où les machines viennent en aide aux forces de l’homme, et lui rendent le travail à la fois moins dur et plus régulier.

À ces avantages se joindront encore, dans un phalanstère, ceux qui résultent d’une meilleure organisation du travail. Le travail, en