Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/498

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
494
REVUE DES DEUX MONDES.

grecques ou latines, uniquement à l’aide de l’oreille, toutes les fois qu’il n’y a point de motif d’agir autrement, M. Lenormant est conduit à des conséquences fort curieuses ; nous allons les passer en revue.

Premièrement, les noms des fils de Japhet ne pouvant être assimilés qu’à l’aide de leurs consonnances, M. Lenormant use largement, à leur égard, du troisième principe dont nous venons de parler. Gomer, ce sont les Cimmériens ; Magog représente les Massagétes ; Madai, les Médes ; Javan, les Ioniens ou les Grecs, etc. ; Elisa, fils de Javan, ce sont les Hellènes ; Tharsis, les habitans de Tarse, c’est-à-dire les Ciliciens ; Cethim, les habitans de Citium, c’est-à-dire les Cypriotes ; Dodanim ou Rodanim (on lit l’un ou l’autre), les habitans de Dodone ou les Rhodiens. Dans cette synonymie, nous voyons figurer les Grecs ; or, l’idiome des Grecs est un des dialectes de la grande famille de langues que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de indo-germanique ; nous arrivons donc à ce fait capital : tous les Japétiques de Moïse sont des indo-germains. « À ce tableau de la race indo-germanique donné par Moïse, dit M. Lenormant, il ne manque que les Indiens et les Germains. »

Pour établir la synonymie de la race de Cham, nous avons fort heureusement des secours autres que la consonnance des noms ; je dis fort heureusement, car, certes, nous n’eussions pas reconnu les Égyptiens, les Éthiopiens, les Libyens et les Phéniciens, sous les formes Misraïm, Chus, Phut et Chanaan, aussi facilement que nous avons pu saisir les Médes dans Madaï et les Grecs dans Javan. Appliquant à cette race le deuxième de ses principes, M. Lenormant en bannit complètement les populations noires. « En effet, dit-il, si tous les fils de Cham sont réellement frères, il suffit de savoir que les Égyptiens et les Phéniciens étaient de race blanche, pour déclarer qu’aucun des chamites n’était noir. » Assurément ce n’est pas une chose sans importance et surtout sans nouveauté qu’une pareille conclusion. M. Lenormant est incontestablement le premier qui ait revendiqué la couleur blanche et l’origine asiatique pour toutes les populations libyennes et éthiopiennes. Nous marchons, on le voit, de plus neuf en plus neuf.

À la couleur blanche ne se borne pas la ressemblance des Chamites avec les fils de Sem. Nous avons vu plus haut l’amalgame de ces deux races résulter de certaines contradictions du texte de Moïse, ce qui nous indiquait déjà des rapports assez étroits. Maintenant M. Lenormant nous annonce l’identité fondamentale, ou, si l’on veut, l’identité originelle du langage chez les uns et les autres.