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ries et les systèmes politiques se firent jour et revendiquèrent leur empire dans cette chambre où le directeur des ponts-et-chaussées devait prendre la première place ! On s’était trompé, il était trop tôt ; il y avait encore une grande question à vider, celle de l’amnistie, et par l’amnistie à clore le passé. Ce n’est pas tout. Deux évènemens graves, l’un au début de la session, l’autre sur la fin de la discussion de l’adresse, devaient replonger le gouvernement et la chambre dans cet état de guerre d’où l’on sortait à peine, et où les souvenirs des précédentes sessions faisaient toujours si facilement rentrer. Nous voulons parler de l’attentat sur la personne du roi et de l’affaire de Strasbourg. L’influence de ces deux évènemens sur le moral de la chambre et sur l’attitude du pouvoir fut déplorable ; elle les fit reculer d’un an, et parut tout remettre en question. Aujourd’hui, rien de pareil n’est à craindre, et on ne retomberait plus dans les mêmes fautes. Aussi le plan qui a échoué l’année dernière, peut et doit réussir cette année.

Le parti du gouvernement dans la chambre nouvelle est très fort ; les deux oppositions extrêmes y comptent moins de voix, et plusieurs membres de la gauche se sont modifiés ; les doctrinaires affaiblis ne peuvent créer d’embarras au ministère. La seule portion de la chambre qui ait incontestablement gagné dans les élections, le centre gauche, lui est favorable. Maintenant c’est à lui de conserver, dans le maniement quelquefois assez difficile de cette force, l’ascendant que lui ont donné, dans le cours des six derniers mois, le bonheur et l’habileté de sa politique. Il aura toujours, quoi qu’il arrive, un fort beau discours à mettre dans la bouche du roi pour l’ouverture de la session.

Avant que les chambres françaises soient ouvertes, les deux assemblées que la nouvelle constitution d’Espagne a établies se réuniront à Madrid. Les cortès ont terminé paisiblement leur session le 4 novembre, et ont reçu de leur dernier président des éloges emphatiques et outrés sur les services qu’elles avaient rendus à la patrie, les lumières qu’elles avaient apportées dans l’accomplissement de leur mission, la grandeur qu’elles avaient constamment déployée au milieu des dangers et des obstacles de leur longue carrière. L’histoire ne ratifiera pas ce jugement. Elle dira, au contraire, que ces cortès ont adopté bien des mesures impolitiques, partagé et servi des passions funestes au bonheur de l’Espagne, fait souvent cause commune avec les anarchistes, et presque toujours mal compris les besoins du moment et de la nation. Cependant elle leur saura gré d’avoir introduit dans la constitution de 1812 des améliorations immenses, et d’avoir, par là, rendu la monarchie compatible avec le système représentatif. Mais depuis la chute de M. Mendizabal tous leurs actes décelaient une irritation violente contre le pouvoir qui lui avait succédé. Elles cherchaient à l’embarrasser et à l’affaiblir par tous les moyens ; elles poursuivaient d’avance dans M. de Toreno un des chefs du parti modéré qui dominera le nouveau corps législatif ; elles faisaient un crime au baron de Meer, vice-roi de la Catalogne, des mesures vigoureuses qu’il venait de prendre à Barcelonne pour y rétablir l’ordre,