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REVUE. — CHRONIQUE.

de grands mots. Ces deux auteurs se sont souvent trouvés en désaccord pour leurs déductions théoriques ; on doit donc espérer que leur association aura au moins pour résultat de diminuer le nombre des théories, et, par exemple, de nous fixer sur la valeur de l’atome de carbone qui, pour M. Dumas et pour ses élèves, a été jusqu’ici moitié moindre que pour les autres chimistes français et étrangers. Nous n’osons espérer d’ailleurs trouver dans l’ouvrage des deux chimistes tout ce que M. Dumas a pompeusement annoncé dans son discours à l’Académie, lorsque, se posant comme un chimiste suprême et prêtant l’ombre de ses ailes aux jeunes gens appelés à concourir à son œuvre, il dit que la science a dévoilé les mystères de la végétation et de la vie animale, qu’elle a saisi la clé de toutes les modifications de la matière dans les animaux ou les plantes, et qu’elle a trouvé le moyen de les imiter dans ses laboratoires.

En regard de ce programme, nous citerons l’introduction dans la science d’un nouveau mot créé par le célèbre Berzelius, de Stockholm, pour exprimer la cause de certaines réactions que l’on voit constamment se reproduire dans les mêmes circonstances sans pouvoir les expliquer. Ainsi, par exemple, l’acide sulfurique très affaibli, que l’on fait bouillir avec l’amidon, transforme cette substance en sucre sans lui enlever ou lui fournir aucun élément nouveau ; une transformation semblable s’observe dans la germination des graines farineuses, et dans beaucoup d’autres circonstances. Or, l’esprit humain est ainsi fait qu’à défaut d’une raison, qu’il ne peut trouver, il se contente d’un mot ; c’est le virtus dormitiva, c’est la réponse d’Orgon à cette question : Pourquoi l’opium fait-il dormir ?

Voilà pourtant ce qu’a inventé M. Berzelius ; sa force catalytique est cette force inconnue qui détermine des effets inexplicables.

Long-temps encore et toujours peut-être, nous le craignons bien, il faudra se contenter dans la chimie organique de constater des effets produits, à moins qu’on n’aime mieux donner des mots pour des raisons.


Révolutions du globe. — La géologie, qui promet de nous révéler l’histoire entière de la formation du globe, semblait devoir bientôt atteindre à la hauteur de l’astronomie, sa sœur aînée, tant elle avait grandi rapidement depuis un quart de siècle ; mais voilà qu’elle s’est rabattue presque partout à la description technique des accidens locaux et des superpositions de roches, ou, tout au plus, à leur coordination suivant des dénominations nouvelles, inventées à propos pour donner une teinte d’actualité à la science, et pour rendre promptement arriérés les travaux qui datent seulement de quelques années.

En France, la discussion qui semblait devoir être si belle sur la question des soulèvemens, soit qu’on eût en vue l’origine successive des grandes chaînes de montagnes, soit que l’on considérât seulement les volcans plus ou moins anciens, et ceux même qui se sont formés de nos jours, comme cette fameuse île Julia, la discussion, disons-nous, s’est confinée sur un tout petit coin de terre : il s’agissait de savoir si un banc de calcaire compacte, d’origine