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tant ? Comment aurait-il appris à distinguer les œuvres fidèles aux bonnes traditions ou qui manifestent une tendance à y retourner, de toutes celles qui les parodient et les déshonorent ? Il faut bien cependant qu’il se hâte de revenir à cette étude et à cette appréciation, sous peine de laisser porter une grave atteinte à sa considération dans une foule d’esprits sérieux. Des faits trop nombreux viennent chaque jour à l’appui d’adversaires malveillans. On a déjà dit que, pour entendre de la musique religieuse, il fallait aller à l’Opéra ou aux concerts publics, tandis que la musique théâtrale se retrouve dans les églises. Craignons qu’on ne dise bientôt que l’art religieux a des sanctuaires dans le cabinet des amateurs, dans les boutiques des marchands de curiosités, dans les galeries du gouvernement, partout enfin, excepté dans l’église ! Nous avons entendu le curé d’une ville importante, très respectable comme prêtre, se montrer même scandalisé de cette expression d’art chrétien, et déclarer qu’il ne connaissait d’autre art que celui de faire des chrétiens ! Ce n’était ici que l’expression un peu crue d’une idée trop générale. Citons un exemple borné, mais significatif, de cette déplorable absence du sentiment de l’art chrétien. On a moulé depuis plusieurs années quelques-unes des plus belles madones de nos belles églises gothiques, celle de Notre-Dame, celle de Saint-Denis, qui a été transportée à Saint-Germain-des-Prés ; ces modèles exquis de la beauté chrétienne se trouvent, chez la plupart des marchands où le clergé et les maisons religieuses, les frères des écoles chrétiennes, etc., se fournissent des images qui leur sont nécessaires ; il semble que leur choix pourrait se fixer sur ces monumens de l’antique foi que le zèle de quelques jeunes artistes a mis à leur portée. Eh bien ! il n’en est rien ; ils sont unanimes pour préférer cette horrible Vierge du dernier siècle, de Bouchardon, je crois, que l’on retrouve dans toutes les écoles, dans tous les couvens, dans tous les presbytères, cette Vierge au front étroit, à l’air insignifiant et commun, aux mains niaisement étendues, figure sans grace et sans dignité, qu’on dirait inventée à dessein pour discréditer le plus admirable sujet que la religion offre à l’art. Que penser ensuite, pour ne pas étendre nos observations hors de Paris, de cette chapelle de Saint-Marcel, récemment érigée dans Notre-Dame[1], monstrueuse parodie de cette architecture gothique dont on avait le plus beau modèle dans l’église même, et où, par un raffinement exquis de barbarie, on a été peinturlurer en marbrures et dorer une espèce d’arcade qui semble avoir la prétention d’être ogivale ? Est-il possible que de pareilles choses se passent en 1837, dans la métropole de Paris et de la France ? Et que sera-ce encore, s’il ne s’élève pas du sein du clergé une seule voix pour protester contre cet incroyable projet qu’on attribue au vandalisme municipal, qui tend à transformer en sacristie la chapelle propre de la Sainte-Vierge, située au chevet de la basilique, en violant ainsi

  1. Dans le transept septentrional.