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LA RÉPUBLIQUE D’ANDORRE.

con, pour remonter jusqu’à Vicdessos. On croit, en effet, entrer dans un repaire maudit, dans un tombeau, lorsque l’on traverse cette gorge de la Ramade, où l’Ariége s’est frayé une route dans le granit. On chemine entre deux montagnes pelées, taillées à pic, que l’homme a désespéré de rendre productives dans un pays où l’on se dispute un pied carré de terrain, et où le paysan, pour ne pas mourir de faim, transporte sur ses épaules, à des hauteurs de mille et deux mille pieds, partout où il y a place pour les loger, les terres que la pluie a entraînées au fond du vallon. C’est un passage abandonné de Dieu et des hommes ; les seigneurs féodaux eurent seuls le courage de l’habiter, comme l’atteste le château de Miglos, que l’on voit, avec ses tours et ses créneaux assez bien conservés encore, perché sur un sommet. Mais l’homme et la Providence reparaissent bientôt ; et ici, à Vicdessos, on est au milieu d’un panorama des plus variés et des plus curieux, où les œuvres humaines se marient à celles de la nature. C’est une culture parfaite associée à de majestueuses montagnes ; ce sont de grands villages dont les habitans vivent au sein du bien-être, phénomène unique dans les cantons où les ruisseaux affluens de l’Ariége ont leurs sources ; ce sont, à côté des grottes à stalactites, qui datent de la création, et dans lesquelles s’étaient fortifiés les Albigeois, réduits à la dernière extrémité[1], les cavernes non moins sinueuses et non moins profondes que les hommes ont creusées par un travail de plusieurs siècles pour extraire le minerai de fer ; ce sont les cheminées des forges, dont les étincelles vont mourir sur des monumens laissés par les druides, sur des tours qui abritèrent Charlemagne, sur le clocher d’une église toute moderne en comparaison, car elle ne compte que six siècles ; c’est, au travers de tout cela, l’Ariége qui épand, en bondissant, ses eaux bleues ; et tout autour une triple rangée de sommets, dont les formes se rapportent à des types divers, selon qu’ils sont de granit, de schiste ou de marbre, selon qu’ils ont été plus ou moins bouleversés par les antiques commotions du globe, et travaillés par les feux souterrains.

Cette montagne qui domine toutes les autres est le Montcalm[2], l’un des sommets les plus élevés des Pyrénées, sur lequel, il y a peu d’années, M. Corabœuf, colonel du génie géographe, tout absorbé

  1. Il reste encore beaucoup de débris de fortifications à l’entrée de diverses cavernes dans la vallée de l’Ariége, particulièrement aux environs des bains d’Ussat.
  2. Le Montcalm ou Montcal a une hauteur de 3,080 mètres ; le pic de Néthou, qui est le plus élevé des Pyrénées, a 3,481 mètres, ou 401 mètres de plus seulement.