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LA RÉPUBLIQUE D’ANDORRE.

pairs de celui qu’on peut appeler par excellence l’empereur français, même après Napoléon, lorsqu’il allait tenter en Espagne une de ces conquêtes toujours fatales à nos Césars. En dehors du camp, comme poste avancé, s’élève la tour carrée d’Ollier, qui, dit-on, fut habitée par ce grand prince.

Je coupe court à cette description pour arriver à un sujet plus intéressant que la coupe des montagnes ou que les débris des temples druidiques et des camps et châteaux de la féodalité, c’est-à-dire à la population qui, aujourd’hui, remplit ces montagnes, à son caractère, à ses mœurs, à sa physionomie.

Et d’abord je me pique, vous le savez, d’être fort amateur de ce que l’on appelle aujourd’hui la civilisation, de ces grandes innovations industrielles et administratives qui rapprochent les peuples, favorisent le travail, et, par lui, répandant à pleines mains l’aisance et les lumières, font participer par degrés les classes inférieures aux satisfactions matérielles et intellectuelles, jusqu’ici réservées à une faible minorité. À la faveur de ces entreprises nouvelles, l’humanité marche vers de nouvelles destinées, novus nascitur ordo ; elle se rehausse sur le monde qui lui a été donné pour piédestal, elle étend et affermit de plus en plus sa domination sur ce globe ; mais toutes les choses humaines ont leurs défauts comme les médailles leurs revers, et, par exemple, je conviens que jusqu’à présent, quelles que soient les nouvelles jouissances auxquelles on a initié ce que je nommerai, en langage aristocratique, le commun des hommes, en lui ouvrant à deux battans le monde des choses et celui des idées, il n’est pas certain qu’on ait augmenté sur la terre la masse du bonheur. Il est douteux qu’il y ait aujourd’hui au fond des ames plus de contentement qu’il y a deux siècles, quoiqu’il y ait incomparablement plus de luxe et de comfort dans nos maisons et dans nos habits, plus de raffinement dans notre régime et plus d’instruction dans nos cervelles. Il semble même qu’en propageant les lumières, nous propagions la démoralisation : les annales des cours d’assises et les registres des enfans-trouvés nous ont révélé cette vérité déplorable à dire. Ces écueils une fois signalés, je suis convaincu que nous les éviterons, car déjà la tendance des hommes sages est de rechercher comment l’on pourra réformer la réforme, c’est-à-dire la consolider en l’épurant et la moralisant ; mais ce ne sont pas là les seuls reproches que l’on adresse à la civilisation. Ses résultats les plus merveilleux, ceux dont l’homme est le plus en droit de s’enorgueillir, paraissent, en effet, devoir dépoétiser le monde, en imprimant pro-