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LA RÉPUBLIQUE D’ANDORRE.

Paris de jolies femmes qui pèsent moins. Un autre jour, un mineur à qui sa femme venait de donner un fils, voulant célébrer dignement cette faveur du ciel, fit venir un veau gras par réminiscence de l’histoire de l’enfant prodigue, le tua, le fit rôtir, le servit sur la table, de ses mains comme Ulysse, et le mangea tout entier, avec le seul secours d’un ami digne de lui. » Le bon docteur ajoutait tristement que, chez tous les malades de ce village, les affections, quelle qu’en fût l’origine, dégénéraient constamment en gastrites.

Le régime politique se ressent de cette variété ; à quelques heures d’ici, côte à côte contre notre France monarchique et centralisée, est la vallée d’Andorre, formant une république dont, avant la révolution, les consuls de la vallée de Vicdessos recevaient, tous les ans, l’hommage, et l’hommage rendu à genoux. Il faut que le génie de la conservation ait pris ces montagnes sous sa protection toute spéciale, puisque cette république se maintient telle quelle avec ses lois depuis un millier d’années. Imaginez une vallée en forme d’y, c’est-à-dire formée à sa partie supérieure par deux branches qu’arrosent l’Embalire et l’Ordino, séparée de la France par de hautes cimes absolument impraticables dans la saison des neiges, et séquestrée ainsi, pendant six mois, de tout l’univers, sauf le passage qu’ouvre l’Embalire, au travers des rochers, en descendant vers la forteresse espagnole d’Urgel. Vers l’an 790, Charlemagne, ayant marché contre les Maures d’Espagne, les défit dans une vallée des Pyrénées, contiguë à celle de l’Andorre, et qui porte encore son nom (vallée de Carol). Les Andorrans reçurent l’armée de Charlemagne, et la dirigèrent vers les défilés de la Catalogne. Pour les récompenser, il les rendit indépendans des princes voisins, et leur permit de se gouverner par leurs propres lois. Son fils, Louis-le-Débonnaire, leur organisa une administration qui subsiste encore dans les mêmes formes et avec les mêmes noms ; c’est ainsi qu’une partie de la dîme de la ville d’Andorre est qualifiée aujourd’hui de droit carlovingien. L’Andorre traversa, sans encombre, les bouleversemens du moyen-âge, grâce aux montagnes qui lui servent de boulevart, et aussi parce qu’il se résigna volontiers à subir une loi qui était, au fond, la sauvegarde des faibles. En acceptant la suzeraineté d’un prince, et en lui payant un tribut, les villes et les petits pays perpétuaient aisément alors leur privilége de se régir eux-mêmes. Ainsi fit l’Andorre. Il arriva jusqu’à Henri IV, sous le protectorat peu onéreux des comtes de Foix et des évêques d’Urgel. Dans la personne d’Henri IV, la couronne de France reprit l’exercice des droits que les comtes de