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REVUE. — CHRONIQUE.

anti-libérale que ces assassinats eux-mêmes n’étaient du progrès ou du libéralisme. Il ne faut pas confondre deux ordres de faits entièrement différens et mêler des questions de doctrines politiques avec des questions de subordination militaire. Ce ne sont pas d’ailleurs les corps d’armée où l’esprit d’indiscipline et de licence s’est donné libre carrière qui ont remporté le plus de victoires sur les carlistes. Il est tout aussi injuste d’accuser la conduite du baron de Meer à Barcelone, quoique plusieurs députés de la Catalogne, qui ne siègent point dans la nouvelle chambre, l’aient violemment attaquée à la fin de la dernière session. Le baron de Meer, appelé à Barcelone pour y rétablir l’ordre, cruellement troublé par des révoltes sans cesse renaissantes, y a déployé l’énergie que la grande majorité des citoyens paisibles attendait de lui, et, dans les circonstances extraordinaires où se trouve l’Espagne, il a usé des pouvoirs extraordinaires que toutes les corporations de cette ville le suppliaient d’exercer pour son salut. Ce n’est pas là non plus de la réaction ; c’est de la légitime défense ; c’est la condition, toujours la même, des temps de révolution et de guerre civile, où la société, affaiblie par tant de causes, se garantit comme elle le peut contre les égaremens et les aveugles fureurs qu’enfante une lutte désespérée.

Ce serait un grand malheur pour l’Espagne, si les forces de l’opinion libérale, actuellement réunies, en apparence au moins, sous le drapeau de la constitution de 1837, se divisaient de nouveau. Don Carlos, que le gouvernement de la reine n’a pas encore le droit de déclarer définitivement vaincu, et qui est bien loin de s’avouer tel, y retrouverait aussitôt les chances de supériorité qui lui échappent. L’expérience qu’on a faite depuis deux ans des résultats de l’élan révolutionnaire, a trop clairement démontré que le prétendant n’avait rien à en craindre, et que les moyens ordinaires d’un gouvernement régulier, s’ils étaient bien dirigés, offraient encore à la cause constitutionnelle la perspective d’une lutte moins désavantageuse.

La question d’Espagne n’a point été soulevée dans la discussion de l’adresse du parlement anglais. À peine quelques mots sans le moindre retentissement prononcés à la chambre des communes sur ce sujet par un orateur obscur, et que le ministère a laissé tomber sans y faire attention ! Est-ce indifférence de l’opinion publique ? Est-ce confiance dans le succès définitif de la jeune reine sans secours étranger ? nous ne le croyons pas. Ou bien ne serait-ce pas entre tous les partis un accord tacite pour masquer, d’un côté, la retraite de l’Angleterre à Madrid sur la question politique, et, de l’autre, l’occupation, de jour en jour plus sérieuse, du Passage par les forces anglaises, sous le drapeau anglais ? On dit que M. Villiers, ambassadeur d’Angleterre en Espagne, vient d’obtenir de sa cour un congé ; mais elle lui confère en même temps un honneur qui prouve combien sa conduite est toujours appréciée, malgré le peu de succès du parti avec lequel il avait contracté de si étroites liaisons.

Les derniers échecs du prétendant ont fait de nouveau répandre le bruit