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dès le premier jour de son arrivée dans le royaume, à gagner l’affection, une aristocratie puissante, des états provinciaux où elle domine, et qu’il flatte du rétablissement de leurs anciens priviléges ; il a pour lui enfin l’inertie et l’indifférence des masses, au sein desquelles n’avait pas eu le temps de pénétrer l’intelligence des principes constitutionnels. Ce qu’on ne s’explique pas, c’est que les anciens ministres, qui avaient donné leur démission, consentent maintenant non-seulement à garder leurs portefeuilles, mais à reconnaître la suprématie officielle du titre accordé et confirmé à M. de Scheele. Dans la nouvelle organisation du ministère hanovrien que le roi vient de décréter, un ministre d’état et de cabinet concentre sur lui seul toute l’importance politique ; ses rapports immédiats avec le souverain, l’étendue de ses pouvoirs, le nombre de ses attributions, tout contribue à le placer bien au-dessus des autres chefs de départemens ministériels, qui ne sont guère auprès de lui que de simples directeurs. C’est beaucoup plus qu’un président du conseil ; c’est un chancelier de cour et d’état, comme le fut le prince de Hardenberg, et comme l’est aujourd’hui le prince de Metternich. Le réglement des positions respectives rappelle aussi ce que M. d’Armansperg avait établi en Grèce pour lui-même après la majorité du roi Othon.

Peu de jours avant la promulgation des ordonnances qui abolissent la constitution de 1833 et consomment le coup d’état du 5 juillet, le roi de Hanovre avait, sous prétexte d’alléger le service, renforcé de quelques centaines d’hommes la garnison de sa capitale. Mais il paraît maintenant tout-à-fait rassuré sur les suites de sa détermination, car il est allé chercher assez loin les plaisirs de la chasse, en traversant une partie de son royaume. La veille de son départ de Hanovre, il avait reçu en grande pompe, et avec une solennité qui visait à l’effet politique, les députations des états provinciaux, auxquelles il a tenu plusieurs discours et fait de brillantes promesses. C’est en eux seuls qu’il veut reconnaître la vraie, l’antique et traditionnelle représentation du pays, telle que l’ont connue ses pères ; et son peuple doit lui savoir beaucoup de gré qu’avec ces sentimens il n’ait pas convoqué les états de 1814.

L’empereur Nicolas a terminé, le 7 novembre, son aventureuse excursion dans les provinces méridionales de son vaste empire. Sebastopol, Kertsch, Anapa, Redut-Kalé, Achalzick, Erivan, Tiflis, Stawropol, Tscherskask, Woronesch et Moscou, telles sont les principales étapes de ce voyage, que l’empereur a fait avec une incroyable rapidité. Dix-sept jours après son arrivée à Tiflis, à l’extrémité méridionale des provinces asiatiques de la Russie, il rejoignait l’impératrice à Moscou, au centre du vieil empire russe. Il avait côtoyé le rivage occidental de la mer Noire, traversé les immenses territoires conquis sur l’Arménie et la Perse, longé le versant oriental du Caucase et franchi plusieurs de ses ramifications, fait reconnaître à Tscherskask le prince Cesarewistch pour hetman des Cosaques du Don. C’était en quelque sorte une nouvelle prise de possession de ces précieuses conquêtes, car aucun empereur russe n’était allé jusqu’à Tiflis, et, pour la première