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avec moi, plus je devais me montrer respectueux et soumis. Avec un caractère comme le sien, l’impudence eût été promptement repoussée par le mépris. Enfin je vis qu’il fallait le premier rompre le silence, et je la remerciai assez gauchement de la faveur de cette entrevue. Ma timidité sembla lui rendre le courage. Elle souleva doucement le coin de son voile, appuya son bras avec plus d’aisance sur le bois du confessionnal, et me dit d’un ton demi-railleur, demi-attendri :

— De quoi me remerciez-vous, s’il vous plaît ?

— D’avoir compté sur ma soumission, madame, répondis-je ; de n’avoir pas douté de l’empressement avec lequel je viendrais recevoir vos ordres.

— Ainsi, reprit-elle en raillant tout-à-fait, votre présence ici est un acte de pure soumission ?

— Je n’oserais pas me permettre de rien penser sur ma situation présente, sinon que je suis votre esclave, et qu’ayant une volonté souveraine à me manifester, vous m’avez commandé de venir m’agenouiller ici.

— Vous êtes un homme parfaitement élevé, répondit-elle en dépliant lentement son éventail devant son visage et en remontant sa mitaine noire sur son bras arrondi, avec autant d’aisance que si elle eût parlé à son cousin.

Elle continua sur ce ton, et, en très peu d’instans, je fus obsédé et presque attristé de son babil fantastique et mutin. À quoi bon, me disais-je, tant d’audace pour si peu d’amour ? Un rendez-vous dans une église, à la vue de toute une population ; le danger d’être découverte, maudite et reniée de sa famille et de toute sa caste, le tout pour échanger avez moi des quolibets comme elle ferait avec une de ses amies en grande loge, au théâtre ! Se plaît-elle donc aux aventures pour le seul amour du péril ? Si elle s’expose ainsi sans m’aimer, que fera-t-elle pour l’homme qu’elle aimera ? Et puis combien de fois déjà et pour qui ne s’est-elle pas exposée de la sorte ? Si elle ne l’a pas fait encore, c’est le temps et l’occasion qui lui ont manqué. Elle est si jeune ! Mais quelle énorme série d’aventures galantes ne recèle pas cet avenir dangereux, et combien d’hommes en abuseront, et combien de souillures terniront cette fleur charmante avide de s’épanouir au vent des passions ?

Elle s’aperçut de ma préoccupation, et me dit d’un ton brusque :

— Vous avez l’air de vous ennuyer ?

J’allais répondre, lorsqu’un petit bruit nous fit tourner la tête par