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terme, mourra un jour comme tout entier. Le xviiie siècle, son successeur, en tiendra peu de compte par les idées, et semblera plutôt, sauf la politesse du bien dire et le bon goût dans l’audace (bon goût qu’il ne garda pas toujours), — semblera continuer immédiatement le xvie. On dirait que celui-ci a coulé obscurément et sous terre à travers l’autre, pour reparaître plus clarifié, mais non moins puissant, à l’issue. Entre tant de causes qui amenèrent un résultat si étrange en apparence, la destinée de Port-Royal doit être pour beaucoup. Une connaissance approfondie des doctrines de ceux qu’on entend sous ce nom, des obstacles qu’ils rencontrèrent, de la ruine de leurs projets, et de la fausse voie, je le crains, où la persécution les poussa, est faite pour éclairer cette grande question de la marche générale des idées, qu’il ne faut jamais aborder, autant qu’on le peut, que par des aspects précis.

Port-Royal, ai-je dit, ne fut pas un effort isolé. Quelques mots d’énumération sur l’ensemble et la diversité des efforts religieux qui se tentèrent en France à cette époque, dès ce commencement du xviie siècle, serviront à mieux environner dans vos esprits, à mieux situer par avance le point de départ et les circonstances premières de l’entreprise même, à l’histoire particulière de laquelle nous nous consacrerons.

Vers 1611, trois hommes se trouvèrent réunis un jour pour consulter sur ce que leur suggérerait la volonté de Dieu par rapport à la restauration de l’église. Après s’être mis tous trois en prière et en méditation, l’un d’eux, le plus âgé, M. de Bérulle, dit que ce qui venait de lui paraître avant tout désirable était une congrégation de prêtres savans et vertueux, capables d’édifier par leurs actions, par leurs paroles et leur enseignement. Le second, M. Vincent (de Paule), dit que ce qui lui avait paru le plus urgent, eu égard à l’ignorance et au paganisme véritable des gens de campagne, c’était de fonder une compagnie d’ouvriers apostoliques et de prêtres de mission pour rapprendre le christianisme aux peuples ; et le troisième, M. Bourdoise dit que ce qui lui avait été inspiré en ce moment et dès l’enfance, c’était de rétablir la discipline et la régularité dans la cléricature, et, à cet effet, de faire vivre en commun les prêtres des paroisses. Et, à partir de là, ces trois hommes n’avaient pas tardé à fonder, l’un l’Oratoire, l’autre les Missions, et le troisième sa communauté des prêtres de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.

Vers le même temps (1610), Mme de Chantal, sous la conduite de saint François de Sales, commençait l’ordre de la Visitation. Par