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chrétienne de providence, Paulin le presse avec onction de quitter les lettres profanes et de se consacrer uniquement à l’étude de l’Écriture et du christianisme. Il lui dit : Sois le philosophe de Dieu, le poète de Dieu ; il l’invite d’une manière ingénieuse à consacrer son talent littéraire à la cause du Christ. « Quitte ceux qui cherchent toujours la sagesse sans la trouver jamais ; ne croyant pas à Dieu, ils ne méritent pas de le comprendre. Qu’il te suffise de leur avoir dérobé l’abondance du langage et les ornemens de la parole, comme une riche dépouille qu’on enlève à l’ennemi. »

Ce Jovius, qui était ami du nom chrétien, nominis christiani studiosus, qui approuvait la conduite de saint Paulin, sans l’imiter ; qui, sur la route du christianisme, s’arrêtait à la borne de la sagesse païenne ; ce Jovius fournit une nuance de plus au tableau que nous traçons de la situation des ames à l’époque où les deux religions étaient en lutte dans la Gaule, comme dans le reste du monde.

C’est alors aussi que, du sein du paganisme, d’autres esprits s’élevaient à cette majestueuse tolérance qui faisait dire à Symmaque : « Le ciel nous est commun, nous vivons au sein du même univers ; qu’importe suivant quelle sagesse chacun recherche la vérité ? On ne peut parvenir par un chemin à ce grand secret ; mais c’est là une dispute d’oisifs, nous prions au lieu de combattre ! »

Il nous reste à dire un mot de saint Paulin considéré comme orateur. Il avait fait un panégyrique de Théodose, qui est perdu. J’y ai regret, nous aurions à opposer au panégyrique païen d’Ausone le panégyrique chrétien de son ami.

Nous ne connaissons celui-ci que par ce qu’en dit saint Jérôme. Selon lui, ce discours était d’une pureté cicéronienne. Saint Jérôme, quoique grand admirateur de Cicéron, ne se connaissait pas beaucoup en pureté cicéronienne, et saint Paulin encore moins. Saint Jérôme ajoute, ce qui est plus significatif, que le panégyrique était remarquable par la division, l’enchaînement, subdivisio et consequentia. Il dit avec raison que tout discours dans lequel il n’y a que les mots à louer est peu de chose. Il opposait donc l’œuvre de saint Paulin aux produits de la rhétorique païenne. On voit par là que le christianisme tendait à introduire l’ordre logique et le raisonnement dans ce genre, jusque-là si creux et si vide, du panégyrique.

Enfin, nous avons de saint Paulin un fragment de sermon sur l’aumône. Ce sujet allait bien à celui dont le renom de charité donna naissance à une légende attendrissante.

On racontait qu’une veuve de Campanie, dont le fils avait été en-