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Le parlement anglais sera probablement sur le point de se séparer au moment où nos chambres se réuniront, et dans cette courte session il aura été saisi des questions les plus graves, il aura offert les luttes les plus animées. Déjà le ministère de lord Melbourne a obtenu plusieurs votes politiques d’une haute importance et gagné la bataille toutes les fois qu’il l’a engagée ou acceptée. Sa dernière victoire est celle qu’il a remportée dans la question des pensions accordées par la couronne, et il y a eu de sa part autant d’habileté que de raison à donner spontanément cette satisfaction à l’opinion publique sur un des points qu’elle a le plus vivement pris à cœur. Dans la discussion de l’adresse, le chancelier de l’échiquier avait promis de faire lui-même sur les pensions de la liste civile, jusqu’à présent respectées à chaque changement de règne, une proposition qui atteindrait le but auquel tendaient depuis plusieurs années tous les efforts des radicaux, et consacrerait l’intervention du parlement dans la distribution des faveurs de la cour. C’est la promesse qu’il est venu accomplir en demandant à la chambre des communes la formation d’un comité d’enquête et d’examen sur les pensions, dont le chiffre est considérable, et qui ne sont pas toujours très convenablement placées, s’il faut en croire des rumeurs peut-être exagérées, mais au moins fort accréditées dans le public. Ce qui est incontestable, c’est que l’aristocratie anglaise a largement exploité la faveur et la générosité du souverain depuis l’avènement de George III à la couronne, et de plus, que la longue domination des tories a naturellement donné aux libéralités royales une direction politique fort avantageuse pour les plus illustres familles de ce parti. On trouvera sans doute sur la liste des pensions un certain nombre de récompenses bien méritées et qui répondent à des services réels ; mais souvent elles en dépasseront la valeur, et la grandeur des fortunes qu’elles viennent accroître, leur donnera, de la part du souverain qui les accordait, le caractère d’une prodigalité condamnable, et de la part du lord opulent qui les acceptait, celui d’une avidité scandaleuse. Les tories ont opiniâtrement disputé le terrain et réuni toutes leurs forces contre la proposition du chancelier de l’échiquier, qui n’en a pas moins été adoptée par une majorité triomphante de soixante-deux voix.

Le ministère a présenté aussi le nouveau bill de réforme des corporations municipales d’Irlande, question de vie ou de mort pour lui, et qui servira de pierre de touche aux dispositions conciliantes que l’on attribue à la majorité de la chambre des lords. Aucune alliance n’est possible entre les tories libéraux et les whigs conservateurs, si cette mesure et celle de la commutation des dîmes, avec le fameux principe de l’appropriation qui a renversé le ministère de sir Robert Peel, ne sont préalablement accordées au cabinet Melbourne ; mais quand il aura une fois obtenu ces deux gages, il pourra définitivement rompre avec les radicaux et retrouver sur les bancs de l’ancienne opposition les alliés qu’il perdra sur ceux de son ancienne majorité. O’Connell même, à peu près satisfait pour son Irlande, continuerait peut-être à l’appuyer ou garderait au moins beaucoup de ménagemens avec lui, et l’Angleterre se reposerait quelque temps dans cette réforme parlementaire que lord John Russell proclame une mesure finale, tandis que de nombreux meetings en demandent la réforme. C’est lord John Russell qui a raison : non pas, certes, qu’il n’y ait encore beaucoup à faire, beaucoup à réformer, beaucoup à détruire ou à refondre en Angleterre ; mais le parle-