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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

Il en est d’autres qui se laissent gouverner par leur position électorale. Ils ne demanderaient pas mieux que d’accorder la tendance du ministère avec l’opinion de leur département ; mais quelquefois ils ne peuvent y parvenir, et alors ils sont obligés de tourner l’écueil. Ils se lient au ministère par un vote bien prononcé, et se réconcilient avec leurs électeurs en lâchant de temps à autre une exclamation insurrectionnelle, une phrase qui touche presque à l’opposition. Ils passent leur matinée à recevoir des visites de province, à écrire dans leur petite ville des lettres pleines d’affection à tout le monde, et leur soirée à s’en aller de ministère en ministère. Ces pauvres députés sont bien à plaindre. Ils ont un rôle extrêmement pénible et embarrassé, d’autant plus qu’il y a toujours de par le monde de méchantes gens pour interpréter faussement toutes leurs démarches, et trahir leurs plus belles combinaisons. Leur vie est une vie d’angoisses perpétuelles. On ne déplace pas un percepteur dans leur localité, on ne suspend pas un maire de village de ses fonctions, sans qu’ils en soient responsables. Il n’y a pas dans tout Paris une sonnette plus fatiguée que la leur, et pas une porte plus assiégée par la sollicitation. S’ils réussissent à obtenir ce qu’ils demandent, c’est bien ; leurs chances de réélection se fortifient. Mais s’ils échouent, bon Dieu ! que de plaintes ! que d’orages ! Ils ont cependant les meilleures intentions. Qu’on les laisse seulement députés, c’est tout ce qu’ils demandent. Mais le plus triste résultat de tant d’efforts, c’est que souvent ils ne sont pas réélus. Les électeurs n’ont pas assez de confiance en eux, et le ministère ne les croit pas assez dévoués. Répudiés à la fois par les deux partis auxquels ils se sont tour à tour attachés, ils en sont réduits à remettre dans le tiroir leur médaille de député.

Enfin, il en est d’autres dans cette fraction qui sacrifient l’intérêt général à l’intérêt de localité. Ceux-là ne voient au monde que leur département et le coin de rue où ils sont nés. Ils arrivent quelquefois avec des velléités d’opposition ; mais l’idée de satisfaire au vœu de leurs concitoyens les subjugue. Si on leur accorde un chemin vicinal, ils commencent à être ébranlés ; si un tableau à leur église, ils vantent l’intelligence des ministres ; si une fontaine dans leur ville natale, les voilà vaincus. Ils votent toute l’année fidèlement comme on leur a dit, et s’en retournent avec orgueil visiter leur chemin, contempler leur tableau, admirer leur fontaine. Je ne parle pas de ceux qui se laissent diriger par des motifs moins louables, et qui font de leur mandat de député une mission de népotisme. Ceux-là ont toujours été ; ils seront de tout temps.

Cette section des députés flottans compte 50 membres. Dans les circonstances graves, plusieurs d’entre eux ont voté avec le ministère ; plusieurs que nous pourrions nommer commencent à tourner vers le centre gauche. Cependant, pour qu’on ne nous accuse pas de vouloir diminuer