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REVUE MUSICALE.

excessive bonne volonté donne des oreilles plus fines et plus délicates, prétendent que Mlle Nau vocalise à merveille, et qu’il ne manque pas une perle à ses roulades. Nous ne chercherons pas le moins du monde à contredire cette opinion, attendu qu’il nous a été impossible jusqu’ici de saisir un son appréciable dans le gazouillement continuel de cette jeune personne. Il y a dans ce moment à Bruxelles une cantatrice dont on vante la belle voix et l’expression dramatique ; pourquoi M. Duponchel ne tenterait-il pas de se l’approprier, ne fût-ce que pour être agréable à l’auteur de Robert-le-Diable et des Huguenots, qui la demande à l’Opéra. Sur un pareil sujet, M. Meyerbeer peut presque passer pour infaillible ; le public est assez souvent de son avis pour qu’un directeur ne craigne pas de se compromettre en l’écoutant. D’ailleurs la nécessité le commande. Ne vaudrait-il pas mieux engager une fois pour toutes quelque forte et belle cantatrice de la trempe de la Devrient, par exemple, qui partageât le répertoire avec Mlle Falcon, que d’avoir ainsi trois ou quatre jeunes talens inexpérimentés, et qui ne se produisent jamais que devant une salle vide ? Que signifie aussi, je vous le demande, l’engagement de Mme Dupré que l’on paie à prix d’or ? Du temps que nous l’entendions à l’Odéon, Mme Dupré avait une voix aigre et désagréable que les années ont pu rendre pire, à moins toutefois que la voix de la femme n’ait mué avec l’âge comme celle du mari, grâce à quelque recette miraculeuse que l’on se transmet de père en fils dans la famille des Dupré. À Stradella succédera la Peste de Florence, de M. Halevy ; puis enfin viendra un ouvrage en cinq actes de M. Auber. Le regard ne perce pas plus loin ; au-delà commencent les ténèbres et l’obscurité. Or, à moins que Stradella ne révèle subitement un homme de génie dans M. Niedermayer, que M. Halevy ne soit tout à coup inspiré du ciel, et que M. Auber ne retrouve sa verve du Philtre et de la Muette, toutes choses au moins fort révocables, nous pouvons prendre patience, et faire nos provisions pour les temps de disette musicale qui vont s’ouvrir.


Rien n’égale l’activité qui règne au théâtre de la Bourse. L’Opéra-Comique est tout en émoi ; les partitions abondent, les succès s’entassent, les chefs-d’œuvre ne pèsent pas une once. Or, pour nous, cette crue surnaturelle du répertoire de l’endroit n’a rien qui nous étonne. Il y a maintenant, au théâtre de la Bourse, deux Opéras-Comiques, l’ancien et le nouveau, personnages considérables dont il faut à tout prix que les appétits gloutons se satisfassent. L’ancien Opéra-Comique est toujours le bucolique vieillard que nous avons vu tant de fois assis sous un bosquet de roses, avec ses jambes fines, son corps grêle, et vêtu d’un habit de satin jaune à boutons d’acier, et sa petite tête qui branle en mesure ;