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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

vient tributaire. Bientôt les prétentions de la Porte s’accroissent. Le traité de Mahomet II, lien apparent des deux provinces et de la Turquie, reçoit de graves atteintes. La Porte se croit assurée de l’impunité et fait peser sa tyrannie. Cependant une ombre d’indépendance subsiste. — Le traité d’Andrinople, sans le dire expressément, n’a fait que remettre en vigueur les dispositions contenues dans le traité de Mahomet II, qui n’étaient plus observées, sauf la faculté laissée à la Valachie de faire la paix et la guerre. La suprématie de la Porte se trouve aujourd’hui changée en suzeraineté, contre-balancée fort bizarrement, il est vrai, par le protectorat de la Russie. —

L’élection des vaïvodes n’était plus qu’une vaine formule ; l’avénement de chaque nouvel hospodar augmentait le tribut envers la Porte, et les sultans finirent par s’arroger le droit de vie et de mort sur eux. En 1714, un kapidgi fit arrêter le prince Brancovan et sa famille. Le peuple, fatigué d’inutiles efforts et d’une lutte inégale, courba la tête et se tut. Traîné à Constantinople, Brancovan vit expirer dans les tortures ses quatre malheureux fils, et sa mort termina cette horrible scène. Son successeur ne conserva le vaïvodat que deux ans : ce fut le dernier des princes indigènes. Tout pliait devant les sultans ; ils pouvaient ériger les deux provinces en pachalicks ; soit qu’ils n’aient pas daigné le faire, ou que cette épreuve les ait effrayés, ils aimèrent mieux employer à l’asservissement du pays les Fanariotes, leurs instrumens ou plutôt leurs esclaves. Depuis lors un arbitraire effréné régna sur le pays. Pour s’assurer sans doute du despotisme obéissant des satrapes, la Porte leur accorda le droit d’exil et de mort sur leurs sujets. Dans l’espace de quatre-vingt-dix ans, à partir de l’avénement de Nicolas Mavrocordato, premier prince fanariote, et jusqu’à la fin du siècle dernier, plus de quarante de ces esclaves despotes furent tour à tour nommés, révoqués ou décapités. Nous ne comptons pas les années de l’occupation russe, de 1720 à 1734 ; celles de l’occupation austro-russe, de 1789 à 1792, et enfin celles de l’avant-dernière occupation russe, de 1806 à 1812.

Le plus désastreux de tous les mouvemens politiques subis par la Valachie, celui qui a corrompu ses entrailles, altéré ses mœurs, dépravé ses habitudes nationales, abattu son courage, c’est l’avénement des princes fanariotes : race immorale et funeste, pépinière