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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

Ce ne fut pas tout : pour vendre et gagner davantage, on crée une multitude de titres honorifiques, qui se tarifent et s’achètent. La vanité valaque en fait une consommation prodigieuse ; en une seule année les titres sont distribués par centaines. Ces titres, d’ailleurs, ouvrant la porte à toutes les places, chacun en voulait ; on échangeait la valeur modique de terres mal cultivées pour un titre qui pouvait produire dix fois plus. Presque tout le territoire fut acheté à vil prix par des étrangers qui, seuls, protégés par leurs puissances respectives, accaparaient le commerce et faisaient valoir leurs capitaux. Ainsi s’appauvrit toute la classe des propriétaires indigènes, tantôt se dépouillant de leurs magnifiques propriétés, tantôt les surchargeant d’hypothèques ruineuses. L’usure se déploya dans toute sa fureur : on empruntait à 18, à 30 pour 100 et au-dessus, et l’on capitalisait les intérêts tous les trois ou même tous les deux mois, pour les surcharger encore de nouveaux intérêts. Souvent les intérêts qui devaient courir dans l’année étaient capitalisés d’avance avec la somme primitive ; souvent encore on se faisait donner une gratification, qui elle-même supportait des intérêts nouveaux ; le tout payable en ducats de Hollande, qui avaient singulièrement haussé de prix, à cause de l’altération de la monnaie turque. L’emprunteur avait touché mille ducats ; il en devait dix mille au bout de trois ou quatre ans. Il vendait ses domaines ou continuait de les grever.

L’appauvrissement de l’aristocratie valaque, l’opulence nouvelle d’usuriers impudens tous étrangers au pays, le règne des Fanariotes, la spoliation réelle dont toutes les grandes familles étaient victimes, détruisaient la force nationale.

Un gouvernement éphémère, chancelant, dont le seul pivot politique était la prostration devant le sultan ; le seul but, une spoliation sans pudeur ; le seul mobile, une vénalité sans exemple, faisait pénétrer dans les mœurs du peuple ce mélange de coutumes asiatiques, cet esprit d’orgueil et de dissimulation, qui a toujours distingué les Fanariotes. Ils introduisirent un luxe oriental, rehaussé par les arts de la civilisation européenne ; ils s’efforçaient de rappeler par la pompe de leur cour la splendeur de l’ancienne Byzance : éducation fatale pour un peuple simple et à demi barbare ! L’exemple de ce luxe s’empare des imaginations, développe les goûts frivoles, exalte la vanité, fait germer les ambitions. Les deux pro-