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vinces empruntent à la civilisation les raffinemens du luxe et les besoins d’une vie voluptueuse, mais non l’industrie, le commerce, une activité bien dirigée.

La Porte défendait aux hospodars grecs d’entretenir une armée nationale : elle fut obéie. Les deux principautés, qui, dans les derniers temps, avaient mis sur pied soixante mille hommes, restèrent sans défense. Le premier brigand turc passait le Danube, sortait de ses forteresses, ou plutôt de ses repaires, pillait et assassinait à son aise, et rentrait chez lui. Quelques pelotons turcs s’annonçaient-ils, des villes entières étaient évacuées ; la population fuyait dans les montagnes, ou passait en Autriche pour échapper à la mort. Quant à la police (si ce mot peut être employé ici), elle était livrée à des étrangers mercenaires, gens sans feu ni lieu, rebut de tous les pays ; satellites du prince, sans tenue, sans hiérarchie, sans discipline, sans uniforme, sans règle, passant du service public à l’exploitation du grand chemin, quittant la prison ou les mines pour le service public ; receleurs de tous les voleurs de la ville ou de la campagne, frères et complices des brigands qu’ils prétendaient poursuivre, et n’employant qu’à rançonner les malheureux villageois leurs tournées de deux ou trois mois. Faut-il tout dire ? On ne permettait pas aux deux provinces la moindre exportation, avant d’avoir complété l’approvisionnement de la Porte ; cet approvisionnement, dont, pour sauver les apparences, la Porte devait payer la valeur à un taux plus que modique, était d’une élasticité singulière, et se prêtait à tout sous la main du prince, de son secrétaire, et de leurs agens. Il fallait payer en argent à un taux exorbitant cette partie supplémentaire, toujours au-dessus du prix courant. Heureux les habitans, si d’autres taxes, des prélèvemens de chaque jour, ne fussent pas venus leur enlever jusqu’aux derniers restes de prospérité qui survivaient à cette rapacité inouie. Telle était la situation de la Valachie sous l’administration des Fanariotes. Devons-nous leur tenir compte d’un peu de littérature surannée et de quelques goûts luxueux ? Un seul, Constantin Mavrocordato, mérite un souvenir de reconnaissance : la Valachie lui doit l’abolition du servage.

Cet état de choses, qui s’est prolongé jusqu’à nous, fixa l’attention de la Russie. Lors du traité de Kaïnardgi, elle intervint en faveur des peuples chrétiens soumis à la puissance ottomane, et