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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

princes de la famille régnante sont élevés, instruits dans les mœurs et les idées de l’Europe, et ce noyau intellectuel suffit pour diriger le grand empire. Exemple instructif offert aux peuples qui veulent se régénérer ! La Grèce, en réhabilitant à contre-sens le proverbe de ses ancêtres : Tout ce qui n’est pas Grec est barbare ; en repoussant les étrangers, avec cet orgueil sauvage et cette fierté ignorante qui se mêlent à son héroïsme patriotique, se condamne à soutenir une longue lutte contre son impuissance fondamentale. Sa mauvaise fortune a voulu que les rivalités européennes lui fissent cadeau d’un roi enfant ; calamité pour les états les plus vieux, fléau d’une société naissante !

Libres de cette présomption qui nuit aux peuples et aux individus, persuadés de leur infériorité relative, admirateurs de toute supériorité ; pleins de gratitude pour les services rendus, les Valaques ont voué amour et reconnaissance au général Kissellef, qui les a gouvernés pendant la durée de l’administration provisoire russe, et qui a mis à exécution la constitution nouvelle. Son habileté consommée, sa haute capacité, furent merveilleusement secondées par le zèle et l’intelligence des habitans. Grace à eux, la réforme s’est accomplie sans difficulté sérieuse, sans encombrement, avec une promptitude étonnante ; et ce phénomène atteste l’excessive malléabilité d’un tel peuple. Ceux même que de pareils changemens blessaient au cœur, dont les priviléges aristocratiques étaient bouleversés, dont les intérêts se trouvaient lésés ou anéantis, se sont chargés de l’opération qui devait tant coûter à leur égoïsme.

L’intronisation d’un souverain étranger est la première mesure qui puisse donner de la consistance aux deux provinces ; leur réunion est la seconde. Tout le monde sent combien cette union prêterait de force aux deux pays. Et que l’on ne s’effraie pas des difficultés que peut offrir l’exécution ; difficultés graves en apparence, nulles en réalité. Aucune dissemblance de croyances, de langage ; nulle antipathie, mêmes habitudes morales et gouvernementales. Quelques différences existaient dans l’administration ; la dernière réforme a soumis les deux provinces à un système semblable dans les plus minutieux détails. Tout est aplani ; l’union, qui blessait des intérêts étrangers, a dû être ajournée à une époque où elle pourra tourner au profit de ces intérêts. Sans doute le déplacement