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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

tez-y quelques habits brodés, des lampes, une douzaine de jeux de cartes ; ce sont là les conquêtes des réformateurs du grand empire ottoman ! Quant aux institutions et au vaste mouvement de la civilisation actuelle, ils y sont restés aussi étrangers que les habitans du Japon ; tout a glissé sur eux.

Il n’est pas donné à l’islamisme de s’imprégner de la civilisation chrétienne, encore moins de la communiquer. Les chrétiens d’Orient tendront la main à toute puissance européenne qui viendra au-devant d’eux. La Russie s’en est avisée la première, lorsque tous les cabinets négligeaient et s’aliénaient des populations qui attribuaient à la diversité de communion l’indifférence des autres gouvernemens. La Russie servait ses intérêts, elle avait ses arrières pensées ? Heureux qui, en faisant ses propres affaires, sert les intérêts d’autrui ! Voilà pourquoi l’amour de la Russie est, depuis cent ans, le plus précieux héritage qu’un chrétien de la Turquie puisse léguer à ses enfans.

Si vous craignez l’omnipotence de la Russie, si vous voulez arrêter son agrandissement menaçant ; faites ce qu’elle a fait, suivez son exemple ; substituez votre influence à la sienne, envoyez là bas votre civilisation, qui a plus de droits légitimes, sinon plus de droits acquis et prescrits. Ne pensez pas aux Turcs, vous perdriez votre temps ; secourez ces malheureuses populations, détachez leurs chaînes et ne prétendez pas les conduire au moyen de ces chaînes ; brisez ces menottes, touchez cette main flétrie par le poids du fer : vous y sentirez cette vie puissante qui ne demande que le grand air et la liberté.

Un robuste fanatisme a poussé en avant, de son gantelet d’airain, les Turcs ottomans, et leur a fait conquérir des peuples énervés. Conquérir un peuple, ce n’est pas le plus difficile, le sort d’une bataille en décide. Se maintenir et se fixer, voilà le problème ; peu de conquérans y ont réussi. Sous les Turcs, cela devenait plus épineux encore. Les peuples chrétiens et la horde ottomane ne pouvaient rester éternellement face à face sans se heurter, sans se froisser. Point d’espoir de fusion. Le plus petit nombre ne pouvait absorber le plus grand ; les chrétiens ne pouvaient pas devenir musulmans, ni les musulmans embrasser le christianisme. Il n’y avait ni paix ni trève possible entre ces deux camps. Non-seulement ils devaient rester en hostilité perpétuelle ; mais l’un se rele-