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d’acheminement à un système plus général, conçu dans les mêmes idées, pour être appliqué à toute la Turquie européenne ; mais on n’y recourra que lorsque le gouvernement du sultan se sera montré évidemment incapable de réaliser les espérances qu’on a conçues de lui. Mais d’ici là on peut attendre ; tout ce qui sera fait pour ces provinces, loin d’être préjudiciable à la Porte le moins du monde, ralentira, s’il ne l’arrête définitivement, la marche envahissante de la Russie, déconcertera ses projets et donnera à la Porte, libre et dégagée du contact et de l’ascendant russes, le temps de mettre à exécution ses plans de réforme et d’amélioration, et de prouver à tout le monde leur efficacité, s’ils peuvent en avoir. La Valachie et la Moldavie réclament un plus prompt remède ; plus on reculera, plus la Russie enfoncera sa griffe dans une proie déjà conquise à moitié. Déclarées indépendantes, elles doivent entrer dans ce vaste et magnifique ensemble de l’équilibre européen, sans lequel une foule d’états faibles et intermédiaires auraient été absorbés depuis long-temps. Que ce système reçoive une vigoureuse impulsion, et ce pays pourra s’élever à une complète et féconde indépendance. L’entreprise est difficile ! Qu’importe ? Elle est nécessaire au repos futur de l’Europe. Pour obtenir ces grands résultats, nous ne pensons pas d’ailleurs que les mesures extrêmes soient indispensables. La raison et l’opinion publique obtiendront, dans la question d’Orient, sans guerre et sans désastres, ce triomphe pacifique qu’elles obtiennent aujourd’hui partout.

L’Autriche qui, plus que toute autre, a un grand intérêt à ne pas se laisser circonvenir par la Russie, qui sait que sa Transylvanie va s’anéantir, si les deux provinces deviennent russes, doit souhaiter la réalisation de ce plan. Bien malhabile depuis quelque temps dans toutes ses relations avec la Turquie, ensevelie dans ses idées de conservation à tout prix, et dans la sainte terreur que lui inspire le mouvement, l’Autriche a pris pour devise : Apathie. L’inaction, voilà sa loi fondamentale, loi immuable devant laquelle toute tentative d’action et d’énergie est considérée comme un crime de lèse-humanité. La révolution française et surtout Napoléon ont un peu secoué l’Autriche ; mais la bourrasque est passée : l’Autriche veut dormir ; elle entre en fureur dès que l’on essaie de troubler son sommeil. Étrange prétention que celle d’immobiliser