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Lorsque l’hétairie éclata en Valachie et en Moldavie, une armée de bandits inonda ces provinces et les livra, pendant plusieurs mois, à un pillage atroce ; dans cette terreur générale, beaucoup d’habitans se réfugièrent en Transylvanie. À ces milliers de réfugiés qui entraient dans ses états la bourse pleine, et qui ne demandaient qu’un asile, l’Autriche prodigua les affronts et les cruautés. Ce ne fut pas tout. L’ordre fut donné d’expulser un monde de femmes, de vieillards, d’enfans, d’hommes inoffensifs, qui n’avaient pas pris les armes contre le sultan, et qui avaient fui leur pays pour échapper aux brigands qui l’infestaient. Tous ces malheureux, on voulait les livrer aux Turcs, tant on craignait d’avoir l’air de protéger l’insurrection. Cet ordre n’eut pas de suite ; mais il est caractéristique. Que se passait-il alors sur les frontières de la Russie ? Là, tous ceux qui échappaient à la boucherie affreuse qui ensanglanta pendant plusieurs jours Constantinople, tous les malheureux Grecs, tous les réfugiés étaient reçus à bras ouverts, consolés, encouragés et pensionnés. Aussi, malgré les nombreuses relations de commerce et de voisinage qui existent entre les principautés et l’Autriche, le nom de cette puissance n’y excite que du dédain. Jamais le Valaque n’a compté sur le secours de l’Autriche, qu’il regarde comme pusillanime, incapable de toute action et de toute volonté. Qui dit soldat autrichien se sert en Valachie d’un mot correspondant à cette autre expression : soldat du pape !

Que l’Autriche cesse de se livrer à une mutinerie enfantine et à une boutade occulte contre la Russie ; ce qui ne lui a pas beaucoup réussi jusqu’à présent. Qu’elle renonce à ses démonstrations mesquines, comme à celle de retirer son consul de Bucharest pendant l’occupation russe, pour le renvoyer avant que l’occupation eût cessé. La Russie ne se laisse pas facilement imposer par de telles démonstrations. Que l’Autriche déclare ce qu’elle pense et ce qu’elle veut, si elle a une pensée et une volonté propre. L’Angleterre crie bien au monde entier : J’ai mon commerce à défendre, à protéger ; appelez cela égoïsme ou non, comme il vous plaira ! et elle le défend. La France dit : J’ai mes principes à défendre dans les pays qui m’environnent ! et elle les défend. La Russie dit : J’ai des chrétiens et des co-religionnaires à défendre ! et elle les défend. L’Autriche, que dit-elle ? que défend-elle ?