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L’INSTRUCTION PUBLIQUE À ROTTERDAM.

tels que MM. Delprat et Schreuder, eux satisfaisant à toutes mes questions avec une connaissance profonde de ces matières, avec une patience et un empressement dont la source était moins encore leur parfaite obligeance envers un étranger, que leur amour sans bornes de la cause sacrée que nous servions tous. M. Delprat et M. de Mackay demeurent, l’un et l’autre, sur un de ces beaux quais de Rotterdam d’où l’on aperçoit la Meuse, aussi vaste à cet endroit qu’un bras de mer. Une lune magnifique se jouait sur ces eaux tremblantes que l’ombre de la nuit, dérobant l’aspect de la rive opposée, rendait seules visibles. La ville dormait en silence ; et, de l’embrasure de la fenêtre auprès de laquelle j’étais assis, je passais tour à tour du charme de ce paisible spectacle à celui d’une conversation doucement animée, sur le plus grand sujet que des hommes sages puissent proposer à leurs méditations, l’éducation de leurs semblables. La pensée de M. Cuvier, qui, il y a vingt-cinq années, m’avait précédé dans le même pays et dans les mêmes recherches, toujours présente à mon esprit, mais plus vive encore en ce moment, donnait pour moi un caractère presque solennel à ces conversations, les dernières que je devais avoir en Hollande, et où j’essayais de compléter mes informations et d’achever la connaissance que ce voyage avait pu me donner de l’instruction publique, et surtout de l’instruction primaire, dans un pays où elle est portée à une si grande perfection. C’étaient, en quelque sorte, de réciproques adieux entre la Hollande et moi : ils m’ont laissé un ineffaçable souvenir.


Victor Cousin.