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LITTÉRATURE CATHOLIQUE.

dédiée à sainte Élisabeth, l’admira, s’enquit de la sainte, s’éprit envers elle de tendresse pieuse, et résolut d’écrire sa vie. Ainsi, Guido Gœrrès a écrit la vie de Jeanne d’Arc. Le souvenir d’une sœur de ce nom d’Élisabeth, morte à quinze ans, s’y mêla par une religion touchante. Dès ce moment, études, voyages sur les traces de la sainte, manuscrits à consulter, renseignemens et traditions populaires à recueillir, l’auteur fervent ne négligea rien ; il embrassa cette chère mémoire ; il se fit le desservant, après des âges, de cette gloire séraphique oubliée. Il voulut en elle relever aux regards l’exemple adorable de ces figures accomplies du xiiie siècle, grandes et humbles, et la placer dans une perspective heureuse entre saint François d’Assise et saint Louis. Il suffit de jeter les yeux sur le magnifique volume, sur le luxe typographique et l’étendue des pages, sur les dessins qu’il renferme, pour voir que l’intention de l’auteur a été complète, qu’il n’a rien ménagé à son offrande, et qu’il a voulu que le beau, en cette image, ne fut pas séparable du saint.

L’ouvrage s’ouvre par une introduction majestueuse sur le xiiie siècle, apogée du développement catholique : avant d’en venir à étudier et à démontrer la chapelle et la châsse de la sainte, le pèlerin croyant s’arrête devant l’Église tout entière pour la contempler. Ce tableau a de la grandeur et de la solennité en ce qui regarde les figures d’Innocent III, de Grégoire IX et de l’empereur Frédéric II ; il a de la beauté et de la grâce en ce qui touche saint Louis, saint François d’Assise, le culte de la Vierge alors dans toute sa fleur, les épopées chevaleresques et religieuses dans leur premier et chaste épanouissement. Pourtant, je ne me permettrai ni de l’accepter ni de le contredire sous le point de vue de la vérité historique. Pour le contredire, il faudrait avoir étudié de très près et aux sources, seule manière en pareil cas d’avoir conviction et de se sentir autorité. Bien des opinions considérables sont différentes de celles de l’auteur sur l’aspect de ces guerres entre le sacerdoce et l’empire, entre Simon de Montfort et les Albigeois. Son opinion, à lui, est dominée et, en quelque sorte, donnée par sa croyance. L’étude, qui vient à l’appui, a pu vérifier pour lui cette opinion, mais elle n’a pas contribué seule à la faire naître. C’est un inconvénient dans la science de l’histoire. J’aimerais assez, si c’était possible, qu’on fît pour l’étude de l’histoire ce que Des-