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LE MYSORE.

temps prisonnier à Sainte-Hélène et compagnon d’infortune de Napoléon.

— C’est cela, me dit-il ; et vous aussi, vous avez été avec lui ? Vous l’avez vu ?

J’ajoutai que, sans pouvoir compter dans ma vie un épisode aussi important, mes souvenirs d’enfance me rappelaient plusieurs visites à la Malmaison, chez l’impératrice Joséphine ; que bien jeune, à cette époque, je n’avais pu cependant oublier les yeux de l’empereur, qui me paraissaient flamboyans ; qu’un jour il me frappa sur l’épaule, en traversant une allée, et me demanda brusquement ce que je voulais faire, quand je serais grand… Me battre, répondis-je, et ce mot, qui était alors dans toutes les bouches, lui plut… Mais c’est tout ce que ma mémoire pouvait retrouver de ma première jeunesse.

Il désira ensuite avoir quelques détails sur notre révolution de 1830 ; il aimait à répéter qu’à la même époque précisément il avait eu, lui aussi, ses journées de juillet dans sa ville de Mysore, et qu’il n’en était sorti vainqueur qu’après avoir composé avec l’émeute. Il insista encore pour savoir si je devais voir le roi à mon retour, et quand il apprit que ma mission me chargeait de dépêches pour lui, il me recommanda bien de ne pas oublier de lui dire qu’il m’avait reçu. Enfin, il me demanda quand je partais ; je lui répondis que je n’avais différé de me mettre en route que pour avoir l’honneur de faire ma cour à son altesse ; et notre audience fut levée.

Comme je me retirais, je le vis donner l’ordre à son ministre de me montrer toutes les curiosités de son salon. Lui-même fit quelques pas et vint bientôt nous rejoindre ; il me mena devant plusieurs tableaux : je remarquai deux ou trois portraits de lui, assez bien peints et d’une ressemblance parfaite. Il m’arrêta ensuite devant celui d’un général représenté en pied, en me demandant qui c’était ? Je répondis naïvement que je n’en savais rien. Il parut surpris, et ayant questionné un de ses suivans, il me conduisit vers un autre guerrier, monté sur un beau cheval à tous crins. Je l’avais compris, et cette fois, bien que la mauvaise gravure coloriée fût du genre de celles que l’on vend pour deux sous dans nos villages, je lui nommai l’empereur Napoléon ; ce qui l’enchanta. Avant de nous quitter, il tint à me faire voir un joli petit boudoir voisin de son salon, et disposé à l’européenne avec des tables de bronze, des vases, une pendule et autres objets venant d’Angleterre. Je lui fis le plaisir d’admirer le tout. Je sortis enfin de l’appartement, et je me trouvais déjà sur l’escalier, prêt à redescendre dans la cour, lorsque je fus encore arrêté : le ministre qui me reconduisait, sur un mot qui lui fut dit à l’oreille, me prit le bras pour me conduire à droite, et nous entrâmes dans un grand nombre de petites chambres que