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LAZARE.

L’âme souffrante a peu de peine
À forcer sa prison de chair,
Quand ce cachot, triste édifice,
Est sous un ciel rude, impropice,
Si tristement glacé par l’air.

Mais allons, la Tamise sombre
Est le linceul fait pour les corps
Que le malheur frappe sans nombre
Et qu’il entasse sur ses bords.
Allons, allons sans plus attendre,
Je vois déjà l’ombre s’étendre,
Le ciel se confondre avec l’eau,
Et la nuit par toute la terre
Sur les crimes de la misère
Prête à jeter son noir manteau.

Adieu ! je suis le pauvre diable,
Je suis le pâle matelot
Que par une nuit lamentable
L’aile des vents emporte au flot.
Sur l’onde il dresse en vain la tête,
Les hurlemens de la tempête
De sa voix couvrent les éclats ;
Il roule, il fend la vaste lame,
Il nage, il nage à perdre l’ame,
Le flot lui coupe et rompt les bras.

Point de bouée et point de câble,
Pas une clameur dans les ponts,
Et le navire impitoyable
Paisiblement poursuit ses bonds.
Il fuit sous la vague en poussière ;
Alors, l’enfant seul, en arrière,
Entre l’onde et le ciel en feu,
Perdu dans cette immense plaine,
Et si frêle atome qu’à peine
Il arrive au regard de Dieu ;