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LAZARE.


Sut, comme lui, les prendre au fort de leurs ténèbres,
Et, découvrant leur face à la pure clarté,
Faire comme un Hercule au monde épouvanté
Entendre le concert de leurs plaintes funèbres ?

Ah ! toujours verra-t-on, d’un pied lourd et brutal,
Sur son trône bondir la stupide matière,
Et l’Anglais préférer une fausse lumière
Aux sublimes reflets de l’astre impérial ?

C’en est-il fait du beau sur cette terre sombre,
Et doit-il sous la nuit se perdre entièrement ?
Non, non, la nuit peut bien jeter au ciel son ombre.
Elle n’éteindra pas les feux du firmament.

Ô toi qui fus l’enfant de la grande nature,
Le plus fort nourrisson qu’elle ait jamais porté ;
Toi qui, mordant le bout de sa mamelle pure,
D’une lèvre puissante y bus la vérité ;

Tout ce que ta pensée a touché de son aile,
Tout ce que ton regard a fait naître ici-bas,
Tout ce qu’il a paré d’une forme nouvelle
Croîtra dans l’avenir sans crainte du trépas.

Shakspeare ! vainement sous les voûtes suprêmes
Passe le vil troupeau des mortels inconstans,
Comme du sable en vain sur l’abîme du temps
L’un par l’autre écrasés s’entassent les systèmes ;

Ton génie est pareil au soleil radieux
Qui, toujours immobile au haut de l’empirée,
Verse tranquillement sa lumière sacrée
Sur la folle rumeur des flots tumultueux.