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LAZARE.

Prince des scorpions ! fléau de l’Angleterre !
Au sein de nos cités fantôme solitaire,
Jour et nuit l’on te voit, maigre et décoloré,
Courir on ne sait où comme un chien égaré.
Que de fois, fatigué de mâcher du gingembre,
Dans ton mois le plus cher, dans ton mois de novembre,
À d’horribles cordons tu suspends nos enfans,
Ou leur ouvres le crâne avec des plombs brûlans !
Arrière tes couteaux et ta poudre maudite,
Avec tes instrumens va-t-en rendre visite
Aux malheureux chargés de travaux continus !
Ô sanglant médecin ! va voir les gueux tout nus
Que la vie embarrasse, et qui, sur chaque voie,
Présentent à la mort une facile proie ;
Les mille souffreteux qui, sur leurs noirs grabats,
Se plaignent d’être mal, et de n’en finir pas ;
Prends le monstre, et d’un coup termine leurs misères ;
Mais ne t’avance pas sur nos parcs et nos terres,
Respecte les richards, et ne traîne jamais
Ton spectre maigre et jaune autour de nos palais.

Eh ! que me font à moi les soucis et les plaintes,
Et les gémissemens de vos races éteintes !
Il faut bien que, jouant mon rôle de bourreau,
Je remette partout les hommes de niveau.
Ô corrompus ! ô vous que mon haleine enivre,
Et qui ne savez plus comment faire pour vivre ;
Qui sans cesse flottant, voguant de mers en mers,
Sur vos planches de bois arpentez l’univers ;
Cherchez au loin le vin et le libertinage,
Et, passant par la France, allez voir à l’ouvrage
Sur son rouge établi le sombre menuisier
Travaillant un coupable et le rognant d’un pied ;
Semez l’or et l’argent comme de la poussière ;
Pour vos ventres blasés fouillez l’onde et la terre ;
Inventez des plaisirs de toutes les façons,
Que l’homme et l’animal soient les sanglans jetons,
Et les dés palpitans des jeux épouvantables