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LETTRES POLITIQUES.

garder le portefeuille de l’intérieur pour le compte de M. Guizot, et M. Rémusat, pour plus de sûreté, chargé de garder M. de Gasparin.

C’est que M. Guizot craint par-dessus tout le ministère de l’intérieur, qui est en effet, de toutes les tortures politiques, la plus poignante et la plus cruelle. On ne sait pas assez de quelle somme de courage et de résignation il faut être doué pour l’endurer. M. de Montalivet n’a pas eu trop de tout ce bel ensemble de dévouement, de prudence et de jeunesse qui le distingue, pour supporter si souvent ce fardeau, et pour s’offrir encore, quand il le faut, à le porter. M. Thiers, qui a combattu dans ce poste, pendant plusieurs années, les villes et les populations soulevées, les assauts virulens de l’opposition, y avait vu blanchir ses cheveux, et quand huit jours de repos lui étaient devenus nécessaires, il n’avait pas trouvé un de ses collègues qui voulut se charger des inquiétudes passagères de l’intérim. Eh quoi ! se disait-on, répondre de la tranquillité de la France, bien plus, de la tranquillité de Paris ! veiller d’un œil sur Lyon et de l’autre sur Strasbourg, commander aux préfets et obéir à la chambre ; avoir sur les bras les factions et la police, les prisons et les théâtres ; vivre, même rien que huit jours, sur ce sol brûlant où tout vous mine et vous dévore ! M. de Rigny, tous les ministres, et M. Guizot surtout, qui avait passé quelques mois dans ce supplice, en avaient reculé d’effroi, et ce ne fut qu’après de vifs reproches que M. Thiers trouva en M. de Broglie assez de générosité et de dévouement pour se décider à subir une semaine le poste si envié que M. Thiers occupait depuis trois années, et quelles années !

M. Guizot se flattait d’ailleurs, et avec une sorte de raison, on ne peut le nier, que le ministre de l’instruction publique, se nommant Guizot, serait le véritable président de ce ministère. C’était une belle perspective. Il se voyait la clé de voûte du nouvel édifice politique, et il se saisissait déjà en espérance de la position de M. Thiers dans le cabinet du 11 octobre, quand la volonté de M. Thiers et la menace de sa démission étaient une sorte de veto dans le conseil. Dans le ministère actuel, M. Guizot n’avait même pas besoin de parler et de s’opposer, il lui suffisait de se taire pour faire trembler le cabinet, qui se serait trouvé sans orateur et traî-