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tour les exigences de son collègue, on peut dire de son unique collègue.

Au château, M. Guizot n’est pas plus heureux contre M. Molé qu’il ne l’a été dans la chambre. Il est vrai que M. Guizot a fait de grands pas dans la vie de cour, et nous l’en félicitons. Plus le respect du trône grandira dans l’esprit des ministres du roi, plus les affaires entre la royauté et ses ministres seront faciles à faire ; mais M. Guizot a de vieilles habitudes que lui ont données le professorat et la vie bourgeoise, et il s’oublie quelquefois, tandis que M. Molé ne s’oublie jamais, et se présente toujours comme il ferait à la cour de Saint-Pétersbourg ou de Berlin : aussi a-t-il été convenu que M. Molé seul pourrait présenter à la chambre le projet d’apanage de M. le duc de Nemours et la loi qui concerne la dot de la reine des Belges.

Au sujet de la dot de la reine des Belges, M. Humann disait au roi, avec toute la bonhomie de l’orgueil financier : « Moi, sire, quand je marie une de mes filles, je lui donne un million. » M. Thiers disait mieux. Il disait : « Un roi des Français qui marie sa fille à son voisin le roi des Belges, doit lui donner plusieurs millions, que la France paiera avec joie, en lui faisant pour présent de noces quelques lignes d’un traité d’échange. » Et en effet, si M. Molé, qui est ministre des affaires étrangères, était venu présenter à la chambre ses deux projets de loi, en même temps qu’une loi belge sur la contrefaçon, la chambre eût reçu avec acclamation la demande du million, et l’eût peut-être trouvée très modeste, comme elle l’est en effet.

En ce lieu dont je vous parle, monsieur, c’est M. Molé qu’on aime et qu’on préfère ; mais que M. Molé ne s’y trompe pas : s’il ne prend ses mesures, M. Guizot pourra bien fermer la porte sur lui. M. Guizot a sur son rival des affaires étrangères un avantage que lui et les siens ne manqueront pas de faire sonner haut, comme un argument invincible, je veux dire l’éloquence de tribune ; et si le ministre de l’instruction publique en venait à élever la voix, comme il faisait il y a peu de jours, pour regretter M. Thiers et souhaiter une alliance nouvelle entre deux talens qui se complètent l’un l’autre, comme disait M. Guizot en de meilleurs temps ; s’il menaçait de planter dans la chambre le drapeau d’une quatrième opposi-