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hauteur du clocher de Saint-Germain (du Mont-d’Or), lieu de résidence de l’amie. Une éclipse a lieu en ce temps-là, on l’observe. Au retour, l’astronome amoureux lira une élégie très passionnée de Saint-Lambert (Je ne sentais auprès des belles, etc., etc.), ou bien il traduira en vers un chœur de l’Aminte. Une autre fois, il prête son étui de mathématiques au cousin de sa fiancée, et il rapporte la Princesse de Clèves. Ses plus grandes joies, c’est de s’asseoir près de Julie sous prétexte d’une partie de domino ou de solitaire, c’est de manger une cerise qu’elle a laissé tomber, de baiser une rose qu’elle a touchée, de lui donner la main à la promenade pour franchir un hausse-pied, de la voir au jardin composer un bouquet de jasmin, de troëne, d’aurone et de campanule double dont elle lui accorde une fleur qu’il place dans un petit tableau : ce que plus tard, pendant les ennuis de l’absence, il appellera le talisman. Ce souvenir du bouquet, que nous trouvons consigné dans son journal, lui inspirait de plus des vers, les seuls dont nous citerons quelques-uns, à cause du mouvement qui les anime et de la grâce du dernier :


Que j’aime à m’égarer dans ces routes fleuries
Où je t’ai vue errer, sous un dais de lilas ;
Que j’aime à répéter aux nymphes attendries,
Sur l’herbe où tu t’assis, les vers que tu chantas !
Au bord de ce ruisseau dont les ondes chéries
Ont à mes yeux séduits réfléchi tes appas,
Sur les débris des fleurs que tes mains ont cueillies,
Que j’aime à respirer l’air que tu respiras !
Les voilà ces jasmins dont je t’avais parée,
Ce bouquet de troëne a touché tes cheveux…


Ainsi, celui que nous avons vu distrait bien souvent comme La Fontaine, s’essayait alors, jeune et non sans poésie, à des rimes galantes et tendres. — Mais le plus beau jour de ces saisons amoureuses nous est assez désigné par une inscription plus grosse sur le cahier : LUNDI, 3 juillet (1797). Voici l’idylle complète, telle qu’on la pourrait croire traduite d’Hermann et Dorothée, ou extraite d’une page oubliée des Confessions :


« Elles vinrent enfin nous voir (à Polémieux) à trois heures trois quarts. Nous fûmes dans l’allée, où je montai sur le grand cerisier, d’où je jetai des cerises à Julie, Élise et ma sœur ; tout le monde vint. Ensuite je cédai