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VISITE À L’UNIVERSITÉ D’UTRECHT.

Dieu, l’opinion publique, un moment égarée ou plutôt étourdie par la clameur de la médiocrité remuante, commence à reconnaître que le concours appliqué aux chaires d’université est une véritable dérision. En Hollande, le collége des curateurs propose, et le ministre nomme. Il en est à peu près de même en Allemagne, où le ministre prend peut-être un peu plus l’initiative du choix. Je sais bien tout ce qu’on peut dire contre ce mode de nomination ; mais tout a ses inconvéniens, et les plus grands sont du côté du concours. Au reste, voulez-vous une preuve de fait ? Pour les chaires de première institution en France, le droit de nomination directe appartient au ministre. Il a été ainsi nommé, depuis 1830, un bon nombre de professeurs, par des ministres très différens, dans toutes les facultés. Examinez ces choix ministériels, et comparez-les avec les résultats des concours dans ces mêmes facultés.

Mais voici le point vital de la constitution des universités en Hollande et en Allemagne. Le professeur a un traitement fixe convenable, mais il reçoit aussi une rétribution des élèves qui fréquentent ses cours. Je l’ai dit ailleurs[1], et je le répète, c’est là l’unique moyen d’avoir des professeurs zélés et des auditeurs assidus. Nulle invention ne peut remplacer cette condition fondamentale. Par exemple, l’appel qui se fait ou devrait se faire dans nos facultés de droit en France est une pratique puérile, tyrannique et vaine. Qui oserait proposer de la transporter dans les facultés des sciences et des lettres ? La vraie discipline d’un cours, la vraie garantie de l’assiduité est dans la rétribution des élèves. C’est aussi là qu’il faut chercher la garantie d’un auditoire sérieux, qui réagit à son tour sur l’enseignement. Alors plus de cours de luxe, plus de déclamations, de divagations, d’excursions perpétuelles hors du sujet. Tout cela, loin de repousser la jeunesse, l’attire naturellement, lorsqu’elle peut venir écouter tout cela pour rien et uniquement pour son plaisir ; mais si, pour son argent, on ne lui donne que des phrases, les plus belles, si elles sont vides, ne suffiront plus. Le professeur qui voudra un nombreux auditoire, dans le double intérêt de sa renommée et de sa bourse, fera effort pour être solide, substantiel, instructif, comme aujourd’hui je sais des professeurs capables de donner un très bon enseignement, et

  1. Rapport, etc.