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LETTRES POLITIQUES.

quand M. Odilon Barrot semblait prévoir la possibilité de porter un jour la main sur le fonds d’amortissement, M. Guizot ne trouvait pas de termes assez dédaigneux pour blâmer son impéritie et son imprévoyance, et aujourd’hui, sans réduire l’intérêt de la dette publique, sans une nécessité pressante, comme celle qui fit voter cent millions de travaux à la demande de M. Thiers, quand le pays est calme et que les bras sont employés, au dire même du ministère, quand les affaires de l’Europe, qui se compliquent chaque jour, avertissent la France de ne pas diminuer ses ressources ; voilà M. Duchâtel et M. Guizot qui proposent de supprimer en réalité le fonds d’amortissement, qui désarment en quelque sorte le pays, et le livrent sans défense aux embarras financiers et aux attaques du dehors qui pourraient à la fois lui survenir ! Le but qu’ils se proposent d’atteindre est grand, il est vrai : il s’agit de gagner à leur profit quelques électeurs. Et quels moyens plus droits et plus loyaux ! Percer, agrandir des routes ! créer des travaux ! Avouez que l’égoïsme politique n’a jamais pris de plus beaux dehors, et que le pays a affaire à des gens bien habiles !

Vous voyez que le ministère de l’intérieur n’est pas sans chef, ainsi qu’on le pense. C’est au contraire le ministère de prédilection de M. Guizot et de ses amis, bien qu’aucun d’eux n’ait jamais eu le courage de le diriger en personne. En général, ils abandonnent assez volontiers le ministère des affaires étrangères, où ils se sentent arrêtés à chaque pas ; ils ont même renoncé à y placer un homme de leur école depuis que M. le duc de Broglie a rompu son alliance politique avec M. Guizot, et se consolent en songeant quelle part d’influence et de pouvoir échoit à ceux qui disposent des fonds secrets, de la police et de toute l’administration intérieure. Aussi M. Guizot a-t-il fait serment de ne jamais livrer à d’autre qu’à lui-même ce magnifique département, où M. de Gasparin répand ses sueurs au bénéfice de la doctrine. Le seul nom de M. de Montalivet, qui se lie de tant de manières au titre de ministre de l’intérieur, excite l’humeur de M. Guizot, et la dernière démarche du ministre de l’instruction publique auprès du roi a été, comme vous savez sans doute, un acte d’hostilité contre M. de Montalivet, qui avait eu le tort grave de blâmer la marche de cet infaillible cabinet. M. Guizot, qui trouve en M. Villemain et M. Cousin des censeurs qui s’élèvent contre ses actes à la chambre des pairs,