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LETTRES POLITIQUES.

ton a faite dans le discours d’ouverture du parlement, en sorte que si l’opposition accuse le ministère d’avoir commis un acte de faiblesse envers la Russie, il pourra lui répondre qu’elle se trompe, et que ç’a été, en réalité, un acte d’énergie envers l’Angleterre.

La Russie ne nous saura pas beaucoup de gré de cette humble précipitation, et il est douteux que l’Angleterre nous la pardonne. On n’a pas même voulu attendre la décision des avocats de la couronne, examiner un peu mûrement les faits, et l’on s’est hâté de prendre les devants, comme pour manifester bien haut qu’on est tout prêt à se passer de l’alliance anglaise. Si M. Guizot et ses amis n’étaient si peu soucieux de nos affaires extérieures, on serait tenté de reconnaître ici une de leurs manœuvres. Se seraient-ils flattés d’avancer la chute du ministère whig en se retirant de lord Palmerston, et en disant, comme ils le font, que la froideur qui règne en ce moment entre les deux pays, ne tient qu’au caractère peu accommodant du ministre qui préside le Foreign-Office ? Croiraient-ils à la possibilité de créer un ministère tory avec lequel ils pourraient rétablir l’alliance sur de nouvelles bases, et marcher avec lui d’un commun accord à la restauration des intérêts aristocratiques en France et en Angleterre ? Franchement, on ne peut supposer aux doctrinaires de si longues vues, ou s’ils les ont conçues et que M. Molé les subisse ou les partage, ils n’ont, à mon avis, rien de ce qu’il faudrait pour les exécuter, — outre qu’ils rencontreraient des difficultés d’un autre genre dont je ne parle pas.

En fait et en droit, il se peut que l’Angleterre, ou plutôt que les armateurs anglais, aient tort dans l’affaire du Vixen. Lord Palmerston a fait signifier à Saint-Pétersbourg, dit-on, que le cabinet anglais entend réclamer la restitution du navire ; mais lord Durham, qui est à la fois un homme sagace, énergique, vigilant, soigneux des intérêts de l’Angleterre, et parfaitement instruit en tout ce qui concerne le droit des gens et le droit diplomatique, tel que le font les traités, lord Durham, qui n’a pas laissé échapper une seule occasion de soutenir ses compatriotes et le pays qu’il représente si dignement, n’avait pas protesté contre cette capture. Ses dépêches auront un grand poids dans cette affaire, et à moins que lord Palmerston n’ait pris la résolution de ne pas s’instruire, rien ne sera décidé avant la réponse de l’ambassadeur d’Angleterre à Saint-Pétersbourg. Pourquoi donc, je le répète, cet empressement du