Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/515

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
511
REVUE. — CHRONIQUE.

africaine se préparent à diriger leurs attaques contre l’occupation même de l’Afrique par nos armes, et contre la noble entreprise de la civiliser par nos mœurs et nos lois. Il est triste de dire que l’évènement de Constantine, non-seulement a relevé le courage des anciens adversaires de la colonie, mais a fortement ébranlé la conviction d’hommes sincères qui, jusqu’à présent, avaient été favorables à notre séjour en Afrique. Et cependant qu’y a-t-il de changé depuis l’été dernier ? Une expédition mal conçue, mal dirigée, a échoué, non pas même contre la valeur arabe, mais contre la malignité des saisons et des élémens, et l’on veut conclure de ce fâcheux contre-temps qu’il faut renoncer à l’occupation de l’Afrique ! Mais depuis quand, dans les grandes entreprises, ne rencontre-t-on ni obstacles ni revers ? Les Romains ont-ils été sur cette même terre toujours heureux ? L’échec de Constantine est un avertissement sévère qui doit, non pas nous abattre lâchement, mais nous faire envisager tout le sérieux de l’occupation africaine, et commencer pour nous une ère nouvelle d’expéditions habilement concertées et de vastes combinaisons. On ne doit pas se dissimuler qu’il sera plus difficile de prendre Constantine la seconde fois qu’il ne l’eût été la première. L’Arabe est averti ; il fait contre nous de grands préparatifs. Tunis approvisionne Constantine : elle lui envoie des armes, des canons, des combattans ; quelques-uns de nos ennemis d’Europe ne se refuseront pas le plaisir de prêter à Achmet-Bey le secours de la science européenne. À coup sûr, toutes ces difficultés ne feront qu’aiguillonner notre armée ; mais il ne faut pas qu’ici elles servent à répandre le découragement et l’effroi. Il faut le dire, la question d’Afrique est une espèce de pierre de touche qui sert à distinguer dans les partis et dans les hommes la politique bourgeoise de la politique d’état. C’est à regret que nous rencontrons, parmi les adversaires de la colonie, un homme parlementaire dont nous aimons à louer le talent quand il s’applique aux questions constitutionnelles et légales qui lui appartiennent par une incontestable compétence. Pourquoi M. Dupin a-t-il été se jeter étourdiment dans la question d’Afrique ? Qui l’y poussait ? Voit-on en Angleterre les grands jurisconsultes de la chambre des communes et de la chambre des lords aborder inconsidérément les questions étrangères à leurs études et à leur profession ? Ne voudra-t-on jamais se persuader qu’un homme est plus fort en se limitant lui-même, et en ne répandant pas au hasard sa parole vagabonde ? Mais, enfin, puisque M. Dupin avait pris à partie le maréchal Clausel, pourquoi a-t-il voulu se tirer d’affaire en attaquant l’Afrique elle-même ? Cette sortie inconsidérée contre notre colonie a vivement affligé les nombreux amis de M. Dupin ; l’honorable président de la chambre doit ménager son influence et son intervention à raison même de leur importance. Au surplus, il n’a pas