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L’UNION DU MIDI.

La difficulté réelle consiste dans la question des douanes. Le gouvernement espagnol ne saurait les reporter à l’Èbre sans injustice ; les peuples de la Catalogne, de l’Aragon et de la Castille auraient le droit de demander si c’est pour les récompenser de leur fidélité qu’on les exclut du privilége de commercer librement avec la France. Il est tout aussi impossible de reculer les barrières fiscales jusqu’aux Pyrénées ; la résistance des Basques et des Navarrais a prouvé que la liberté du commerce était pour eux une question de vie ou de mort.

L’auteur de l’Essai historique sur les Provinces basques[1] rappelle quelques circonstances du passé, où cette détermination n’a pas éclaté avec moins d’énergie. « Tous les ministres, à commencer par Albéroni jusqu’à M. Ballesteros, dernier ministre des finances de Ferdinand VII, ont cherché par des négociations à reculer les lignes de douanes de l’Èbre à la frontière française et à la mer, en y comprenant la Navarre et les trois provinces ; leurs négociations ont toutes échoué. Albéroni a péri à la peine ; et sous M. Ballesteros, un consentement arraché à la Navarre, et dû à quelques bons esprits du pays, fut révoqué par le roi lui-même sur la demande du duc de Grenade et de l’évêque de Tudela, qui l’effrayèrent sur les conséquences de cette mesure. »

Mais dans cette querelle de douanes quel est le principal intérêt ? On remarquera que la partie urbaine des populations basques, échelonnée sur les côtes de l’Océan, a pris peu de part à la révolte. Bilbao, Victoria, Irun, le Passage, Santander et Saint-Sébastien sont des villes dévouées à la cause constitutionnelle ; les milices de Bilbao, pendant deux siéges meurtriers, n’ont pas montré moins de courage que les troupes réglées qui composaient la garnison. Les bataillons de don Carlos se recrutent parmi les montagnards exclusivement engagés dans le commerce avec la France, ces hardis contrebandiers qui franchissent chaque jour nos lignes de douanes, et qui ne veulent pas avoir les mêmes dangers à courir sur leur territoire national. C’est donc moins la liberté du commerce maritime que la liberté du passage à travers les Pyrénées que les insurgés demandent à conserver. Par cela même, la solution de la difficulté dépend bien plus de la France que de

  1. Bordeaux, Teycheney, 1836.