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jugemens les circonstances de l’histoire que voici. L’auteur dit tout, explique tout, il ne laisse rien à faire à l’imagination du lecteur ; il écrivait douze jours après la mort de l’héroïne[1].


Vittoria Accoramboni naquit d’une fort noble famille, dans une petite ville du duché d’Urbin, nommée Agubio. Dès son enfance, elle fut remarquée de tous, à cause d’une rare et extraordinaire beauté ; mais cette beauté fut son moindre charme : rien ne lui manqua de ce qui peut faire admirer une fille de haute naissance ; mais rien ne fut si remarquable en elle, et l’on peut dire rien ne tint autant du prodige, parmi tant de qualités extraordinaires, qu’une certaine grace toute charmante qui dès la première vue lui gagnait le cœur et la volonté de chacun. Et cette simplicité qui donnait de l’empire à ses moindres paroles, n’était troublée par aucun soupçon d’artifice ; dès l’abord on prenait confiance en cette dame douée d’une si extraordinaire beauté. On aurait pu, à toute force, résister à cet enchantement, si on n’eut fait que la voir, mais si on l’entendait parler, si surtout on venait à avoir quelque conversation avec elle, il était de toute impossibilité d’échapper à un charme aussi extraordinaire.

Beaucoup de jeunes cavaliers de la ville de Rome, qu’habitait son père, et où l’on voit son palais place des Rusticuci, près Saint-Pierre, désirèrent obtenir sa main. Il y eut force jalousies, et bien des rivalités ; mais enfin les parens de Vittoria préférèrent Félix Peretti, neveu du cardinal Montalto, qui a été depuis le pape Sixte-Quint, heureusement régnant.

Félix, fils de Camille Peretti, sœur du cardinal, s’appela d’abord François Mignucci ; il prit les noms de Félix Peretti, lorsqu’il fut solennellement adopté par son oncle.

Vittoria entrant dans la maison Peretti, y porta, à son insu, cette prééminence que l’on peut appeler fatale, et qui la suivait en tous lieux ; de façon que l’on peut dire que, pour ne pas l’adorer, il fallait ne l’avoir jamais vue[2]. L’amour que son mari avait pour

  1. Le manuscrit italien est déposé au bureau de la Revue.
  2. On voit à Milan, autant que je puis me souvenir, dans la bibliothèque Ambrogienne, des sonnets remplis de grace et de sentiment, et d’autres pièces de vers, ouvrage