Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
NANTES.

La cathédrale de Nantes, vaste quoique inachevée, est lourde, blafarde et sans caractère. Il faut cependant visiter le mausolée élevé à François II, duc de Bretagne, et à sa femme, Marguerite de Foix. Ce monument, envoyé à Nantes par leur fille Anne de Bretagne, alors reine de France, est un des plus riches, sinon des plus élégans qu’ait produits la renaissance. François II et Marguerite, revêtus du manteau ducal, sont couchés sur le tombeau : leurs têtes reposent sur des coussins que soutiennent des anges, leurs pieds sur un lévrier et sur un lion tenant les écussons de Bretagne et de Foix. Aux quatre coins du monument, des statues de grandeur naturelle représentent les quatre vertus cardinales ; sous les traits de la Justice, il est facile de reconnaître Anne de Bretagne elle-même. On aperçoit tout autour du mausolée, dans des niches de marbre rouge, les douze apôtres, Charlemagne et saint Louis, saint François et sainte Marguerite ; plus bas se trouvent seize figurines reproduisant les différentes attitudes de la méditation ou de la douleur. Ce mausolée, ouvrage d’un sculpteur breton, Michel Columb, qui n’a point laissé d’autre œuvre connue, produit un bel effet par son ensemble. Plusieurs parties sont dépourvues de correction, le lion et les anges manquent surtout de dessin ; mais les quatre grandes statues, les douze apôtres et les seize figurines accusent autant de puissance de conception que de hardiesse pratique. Il y a dans le monument entier une sorte d’opulence virile, et l’élégance même des détails semble tenir plutôt à la force qu’à la grâce.

Les cercueils de plomb contenant les restes de François II et de Marguerite de Foix avaient été déposés dans ce mausolée ; on les en arracha pendant la terreur, et on les fondit pour en faire des balles ! Une boîte d’or, dans laquelle était renfermé le cœur d’Anne de Bretagne, fut alors trouvée entre les deux bières. On y lisait ces vers à demi effacés :


En ce petit vaisseau de fin or pur et munde,
Repose un plus grand cueur que oncque dame eut au munde.
Anne fut le nom d’elle, en France deux fois royne,
Duchesse des Bretons, royale et souveraine.
Ce cueur fut si très hault, que de la terre aux cieulx,
Sa vertu libéralle accroissoit mieulx et mieulx,