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jusqu’à l’âge de vingt-cinq, et il leur a donné l’ordre de s’enrôler dans le nizam. La résistance a été vive, et les ordres du prince repoussés par une vive opposition, où figuraient tous les hommes éminens de la ville. Le bey, étonné de cette résistance, ordonna aux cheïks de choisir trente notables, dix de la ville et vingt des deux faubourgs Bab-Soccegha et Bab-Alivaha pour venir rendre raison de cette conduite au Barde, qui est le lieu de la résidence du bey. Mais personne ne voulut aller au Barde, et pour cause ; les notables indiquèrent Djanua-Zeitoun, la principale mosquée, comme le lieu qu’ils prendraient pour conférer avec le bey. Là ils se plaignirent de la violation de leurs privilèges. On les avait exemptés du service militaire, eux et leurs enfans, moyennant un impôt ; cet impôt avait été augmenté de 25 pour 100 sur les objets de consommation, et d’un seizième sur les loyers, et on venait encore leur enlever leurs fils pour en faire des soldats ! Il y eut aussi un long débat, qui se termina par un refus formel d’obéir aux ordres du prince. Au départ de la lettre, le medjles ou tribunal religieux était assemblé, le bey semblait décidé à faire respecter la décision, et le peuple attendait avec impatience le jugement du tribunal. On croyait à la possibilité d’une insurrection.

On voit que l’expédition de Constantine ne se présente pas sous un aspect très défavorable. Les renseignemens que nous donnons sont puisés à la meilleure source ; les uns ont été recueillis sur les lieux mêmes ; les autres sont dus aux pèlerins des caravanes, et ont passé sous l’examen d’un esprit éclairé par une longue expérience et une connaissance parfaite de ces contrées. Ces rapports nous montrent le pays divisé, les beys affaiblis par la discorde et la jalousie qui règnent entre eux, affaiblis encore par les obstacles qui se rencontrent au sein même de leurs beyliks, et celui de Constantine livré aux caprices d’une populace qui l’abandonnera dès qu’il sera vraiment en péril. Reste à marcher sur Constantine et à opérer dans une saison favorable. Aussi se demande-t-on avec anxiété ce que fera le ministère, et s’il songe, comme on l’a dit, à abandonner cette importante expédition.

Quant à l’époque favorable, il y a deux versions. Les uns assurent, et un certain nombre d’officiers sont de cet avis, que l’armée devrait déjà se trouver rassemblée en Afrique, avec ses vivres, ses ambulances et son état-major ; d’autres prétendent, au contraire, que l’arrière-saison est le temps marqué par toutes les observations faites en Afrique depuis nombre d’années ; et les militaires marquans apprécient cette opinion, et la renforcent par l’autorité des gens du pays. Il y a deux autres opinions encore : Marchera-t-on contre le bey de Constantine ou contre Abd-el-Kader ? et une troisième qui consiste à faire marcher deux armées à la fois contre nos deux principaux adversaires d’Afrique. Il paraît que le cabinet, après avoir été divisé sur ces questions, a penché vers l’avis de M. Molé, qui consiste à opérer immédiatement et en grand contre Abd-el-Kader, et à ne commencer l’expédition de Constantine qu’après avoir vidé à fond cette grande et principale affaire, car Abd-el-Kader est, dit-on, l’ennemi qu’il faut abattre d’abord, et celui dont la chute découragera surtout ceux qui résistent avec lui contre nous. Il eût fallu demander 25 millions à la chambre et employer 40,000 hommes pour faire simultanément les