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LES ORANGS.

mort, il fut disséqué par Tyson, et devint l’objet d’un excellent travail publié en 1699, sous les auspices de la Société royale de Londres. Cet ouvrage, dédié au président de la Société, lord John Sommers, grand-chancelier d’Angleterre[1], est intitulé : « Orang-outang, sive homo silvestris ; ou Anatomie d’un pygmée comparée avec celle des singes à queue, des singes sans queue et de l’homme ; suivie d’un Essai philologique sur les pygmées, les cynocéphales, les satyres et les sphynx des anciens, etc. »

Tyson n’en était pas alors à son début dans les travaux d’anatomie comparée, et dans ce qu’il avait fait jusque-là, on trouvait la preuve d’un excellent esprit. Il ne s’était pas borné à décrire les diverses parties des animaux soumis à son examen, mais il avait cherché à rapprocher leur organisation de celle des espèces voisines, comme s’il eût voulu préparer d’avance des matériaux pour l’établissement des familles naturelles. Ainsi, ayant eu occasion de disséquer un lion, il avait fait en même temps l’examen du chat domestique, et montré qu’une très grande ressemblance dans toutes les parties de l’organisation est compatible avec une très grande différence de taille. Pour son pygmée, il suivit la même marche, le comparant, jusque dans les moindres détails, d’une part au singe et de l’autre à l’homme. N’ayant pu obtenir un singe pour le disséquer, il fit usage des observations des académiciens français, de celles de Riolan, de Drelincourt, de Blasius, etc.

« Je donne, dit Tyson, le nom de pygmée à cet animal, parce que je crois (et j’espère le prouver dans cet essai) que les pygmées des anciens étaient de véritables singes, et non des hommes d’une taille inférieure à la taille commune, comme l’ont admis plusieurs écrivains d’ailleurs recommandables. Je me sers de ce mot, plutôt que de celui de satyre qui a été employé par Bontius, Tulpius et Dapper, parce que si la fable des satyres se lie, comme

  1. L’épître dédicatoire offre le passage suivant, qu’on trouvera sans doute fort étrange : « L’animal dont j’ai donné l’anatomie, offrant plus de rapports qu’aucun autre avec l’espèce humaine, me paraît être le lien qui unit la brute à la créature raisonnable, de même que votre seigneurie et ceux qui comme elle s’élèvent si fort au-dessus du commun des hommes, par leur science et leur sagesse, établissent, en s’approchant davantage de la classe d’êtres qui est immédiatement au-dessus de nous, la connexion entre le monde visible et le monde invisible. »

    Je prie de croire qu’en citant ce passage, je n’ai nullement eu l’intention de jeter du ridicule sur l’anatomiste anglais, dont j’estime beaucoup le travail. J’ai voulu seulement montrer quels étaient à cette époque les rapports de deux membres d’une même société, quand l’un était grand seigneur et l’autre simple plébéien.