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M. le commandant-général a promis sur sa tête que le roi ne partirait pas ; il nous faut la personne du roi ou la tête de M. le commandant-général. C’était compter beaucoup sur la discrétion de Lafayette à garder un secret que Danton savait ne lui être pas inconnu.

Il est vrai que c’eût été livrer à la mort le ministre Montmorin, qui n’avait payé Danton que pour modérer sa fureur anarchique et ses intrigues coupables. Alexandre Lameth réfuta Danton et parla comme Barnave l’avait fait à l’assemblée[1].

La majorité de l’assemblée parut animée d’un même esprit de liberté et d’ordre public.

Tel était l’état des choses à Paris ; à la séance du 22, tous les généraux qui se trouvaient à Paris prêtèrent au sein de l’assemblée ce serment de fidélité :

« Je jure d’employer les armes que la nation a mises dans mes mains à la défense de ma patrie, au maintien de la constitution décrétée par l’assemblée nationale et jurée par le roi ; de mourir plutôt que de souffrir l’invasion du territoire français par des troupes étrangères, et de n’obéir qu’aux ordres qui seront donnés en conséquence des décrets de l’assemblée nationale. »
« Je le jure… » dit Lafayette à la tribune, et il fut interrompu par des applaudissemens. — « J’ai l’honneur de faire observer à l’assemblée que tous ceux de mes compagnons d’armes qui sont autour de l’assemblée nationale, et qui ont eu connaissance du serment qui a été prêté ce matin, sont dans la plus vive impatience d’unir leur serment à celui des membres de l’assemblée, et de lui jurer de nouveau une fidélité à toute épreuve. »

Le 23, une foule de gardes nationales, rangée dans la salle, et ayant Lafayette à sa tête, demanda à renouveler son serment devant l’assemblée nationale.

Il se fit un grand silence :

« Vous voyez devant vous, messieurs, dit Lafayette, des citoyens qui n’ont jamais mesuré qu’aux besoins de la patrie le dévouement qu’ils lui doivent. Ils défendirent la liberté naissante contre les premières conspirations qui l’attaquèrent ; ils se rallient plus vivement encore auprès d’elle dans ces jours imprévus où elle est menacée.
« Que nos ennemis apprennent enfin que ce n’est ni par la multiplicité,
  1. Nous n’avons ni ce discours ni celui de Lafayette ; mais la séance ne fut pas tumultueuse, et finit très convenablement.

    (Note du général Lafayette.)